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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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épais et, parfois, celle d’une mare endormie, argentée d’un trait de lune.
    S’il avait été seul, il se serait roulé sur le sol afin de mieux s’imprégner du parfum de toutes ces plantes pour qu’elles pussent lui insuffler, en même temps que leur arôme, cette grande force qui paraissait les rendre immortelles.
    – Jamais, Tiercelet, je n’ai tant apprécié les arbres. L’envie de se confier le lancinait, maintenant que le danger paraissait improbable. Tant de jours, tant de nuits à se parler à soi-même ! À hurler ou murmurer, à gémir, frissonner pareillement à un malade dont les tourments s’en vont, reviennent et s’enveniment.
    – J’ai appris entre ces quatre murs la mélancolie et la désespérance.
    Quelle sornette avait-il proférée ! Tiercelet en riait sans nulle malveillance.
    – On peut les apprendre dans ce qu’on appelle la liberté !
    Quel dommage que cet homme-là fut tombé de l’oisiveté contrainte au désespoir, du désespoir à la rébellion, de celle-ci à la vengeance et de cette vengeance à l’abomination !
    Le malandrin s’arrêta pour sonder les crêpelures noires, puis repartit :
    –  Venez !… Voyez : cela paraît plus clair là-bas.
    Sous les cris d’une hulotte dérangée dans son guet, et qui s’enfuyait d’un vol velouté, ils s’empêtrèrent dans des fougères dont aucun passage n’avait encore troublé la masse crépitante ; puis ils foulèrent, incrusté de rosée, le pelage gris d’une clairière. Sitôt sur l’autre bord, Tiercelet avisa le tronc d’un arbre abattu.
    – Asseyons-nous, dit-il sans amenuiser sa voix. Voilà bien une lieue que nous avançons… Ça n’y paraissait pas pour vous, mais nous venons de descendre une motte. Il se peut que nous approchions d’une cité, d’un hameau. Bientôt, l’aube crèvera… Cette clarté, pour nous, aura du bon et du mauvais.
    – La peur m’a quitté, mais ne crois-tu pas qu’il est prudent d’avancer ?
    – Pas encore : il vous faut reprendre quelques forces. Vous ne cessiez d’arateler (1) 50 et de trébucher. Amoindri comme vous l’êtes, c’est miracle que vous m’ayez suivi sans broncher.
    – Ta louange me touche !
    Ils étaient à l’aise ainsi, côte à côte sur ce torse d’arbre dont les membres rompus jonchaient l’herbe – une herbe haute dans laquelle Tristan fut tenté de se coucher tellement cet arrêt imprévu aggravait sa lassitude. Il renonça, non par crainte d’être moqué, mais parce qu’il se fut endormi aussitôt.
    – Où irez-vous, messire, quand nous nous quitterons ? Une douce et belle pucelle vous attend-elle quelque part ?… Non !… Si vous cherchez les grandes amours, prenez garde : elles n’existent que dans les livres, et la plupart s’achèvent douloureusement.
    – J’irai sans doute à Paris, dit Tristan pour changer le cours de l’entretien.
    –  Je connais. Pour tout vous dire, j’ai parfois servi de chevaucheur à Etienne Marcel.
    – Tu portais de ses lettres à Charles de Navarre.
    – Cela m’est advenu.
    – Deux monstres que ces hommes !… Avides de pouvoir, profitant que le dauphin était sans expérience et payait, en diffamation, les sottises de son père !
    Tristan heurta du pied une branche et s’en saisit. Une rage le hantait, tout à coup. Tiercelet, qui la devinait, s’en fut-il moqué qu’il lui eût assené ce bois sur la tête.
    – Ne vous mettez pas dans de pareils états. Nous ne sommes ni vous ni moi des gens importants du royaume. On peut paroler un peu : ça nous aide à nous reposer… Je vous accorde que Marcel s’est hissé tout en haut du pouvoir grâce à son commerce et grâce aux femmes (1) 51 …
    – Et qu’il se maintint au pouvoir grâce aux meurtres !
    –  Les rois en commettent avec l’approbation divine ; mais quand un bourgeois se réclame de la toute simple justice et veut la voir régner dans sa bonne ville, il devient exécrable à tous les profiteurs !
    – Cesse de me prendre pour un marmouset ! Le premier sang versé l’a été par Marcel. C’est lui qui arma le bras de Perrin Marc, qui tua Jean Baillet, le trésorier du dauphin 31  !
    Tiercelet émit cette fois un rire désobligeant :
    – Je sais, je sais : violant le droit d’asile, Robert de Clermont, le maréchal de Normandie, entra dans l’église Saint-Merri où Perrin Marc s’était réfugié… On lui coupa la main et le pendit… Et le même jour, on put voir à

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