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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Paris deux processions : l’une, où j’étais, suivant le corps de Perrin qu’on portait en terre ; l’autre avec le Dauphin qui suivait Jean Baillet…
    – Et quelques jours plus tard, le 22 février – je m’en souviens bien, Tiercelet, car c’est mon jour anniversaire –, Marcel faisait occire Regnault d’Acy, puis le maréchal de Clermont et Jean de Conflans, maréchal de Champagne ! Leur sang éclaboussa la robe du dauphin ! Belle ouvrage, en vérité 32  ! Tu devais être dans la cohue quand ils tombèrent, et peut-être est-ce toi qui leur portas des coups !
    – Nenni, messire… J’étais absent : à la pêche en Seine, non loin de la grande forêt de Vitry !
    À cette précision lestée d’un long soupir, Tristan ne découvrit aucune repartie, mais sa colère persistait :
    – Que veux-tu que je te dise, sinon que je me réjouirai de la mort du Mauvais comme je me suis réjoui de celle de messire Etienne.
    – Je vous accorde que Charles de Navarre est un démon. Tant qu’il fut l’allié des Jacques, j’ai joui auprès de lui d’une sorte d’estime : en servant Marcel, je servais ses ambitions… Quand il sentit que tout craquait autour de lui, le prévôt m’envoya chez les Flamands… Il voulait leur secours. Ils le lui refusèrent.
    – Le dépit l’a frappé ainsi que ses partisans.
    – Le dépit ? Non, je vous le dis tout nûment : la chiasse. Le vent tournait. Il prit une odeur de merde. Mon échec provoqua çà et là la cacade… Deux hommes, surtout, en souffrirent. Je les ai vus verts de peur !… Eh bien, ces deux couards, les événe ments et la rumeur en ont fait les champions de la royauté. Ils avaient trahi le roi pour Marcel, ils ont trahi Marcel pour le roi. Et c’est d’autant plus laid qu’ils étaient de sa famille… Jean Maillart et Pépin des Essarts étaient des nôtres. Ils ont occis Marcel pour conserver leur vie. (1) 52
    –  Je hais tous ces démons auxquels tu appartins.
    – Qui transforme un gars en démon ? Une fille en ribaude ? L’iniquité, l’infortune, l’adversité terrible, invaincue ; le fardeau du dédain ou d’une haine injuste… le simple désir de manger à sa faim.
    –  J’en conviens. Tu me parles d’infortune et d’infortunés. Etait-ce le cas pour Marcel ? Il n’a jamais connu ni l’adversité ni la malefaim. Il a voulu régner sur Paris de par les Anglais. Il s’est accointé à ce grand fumeux de Navarre et aux Flamands. Il voulait à la fois le pouvoir et l’argent.
    – Hélas !… Quand il se considéra comme le roi de France, je m’en suis détaché. Quelle fierté pour cet homme de ciseaux et d’aiguille de ceindre une épée… Il honnissait cette Cour qui l’avait enrichi. Je l’ai vu entrer au palais royal aussi aisément qu’en sa maison de la rue de la Vieille-Draperie. Quant à Navarre, il avait – faut en convenir – et il a toujours des droits de règne sur la France. Quoique le détestant, je le trouve plus près du trône que ces Valois qui nous dominent parce qu’une vieille loi déterrée je ne sais où et quand a écarté Jeanne de Navarre Charles est son fils, bordeau de Dieu !
    La vaste bouche de Tiercelet expulsa un crachat. Tristan sourit, trouvant plaisante la fureur de son compagnon.
    – Charles, dit-il, est un muisteur 33 d’une outrecuidance incurable. Certains prétendent qu’il a même, un temps, corrompu le dauphin, lequel s’est heureusement repris. Mais laissons cela… Lors de la Jacquerie, vous avez voulu occire tous les riches : nobles et bourgeois.
    Vous eussiez créé d’abord une bourgeoisie de truand, puis, comme il fallait des chefs, une noblesse affreuse !
    Tiercelet cracha plus fort, puis grommela, non sans regret :
    – L’entente est impossible entre nous… mais nous avons, commune et chevillée aux tripes, l’envie de redevenir ce que nous étions avant que nous ayons fait connaissance. Dites-vous que vos peines sont loin d’être achevées et que vêtus comme nous le sommes et affaibli comme vous l’êtes et abîmé comme je le suis nous ne pouvons inspirer que la méfiance ou la male peur. Par bonheur, j’en suis certain, sur les chemins de par ici, nous trouverons davantage de malandrins que de chevaliers… Les routiers règnent en maîtres !
    – Que l’enfer les accueille et les fasse rôtir !
    Tristan n’ajouta rien. Il savait trop comment, semé par les Goddons, le malheur s’était répandu dans le royaume :

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