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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Juste avant qu’il ne reçût, à Poitiers, ce terrifiant vireton dans l’épaule. « Tiercelet t’a fourni le meilleur des conseils. Succomber maintenant aux charmes de cette gouge, c’est tout simplement périr de male mort. C’est en la repoussant que tu te sauvegardes : elle n’a jamais reçu en ce petit bordeau, un gars de ton espèce. Résiste : elle te gardera jusqu’à demain ou après-demain. Elle te veut ; fais-toi désirer ! » Il essaya de se délivrer d’une étreinte furibonde.
    –  Sais-tu ce que Cléopâtre faisait aux hommes ? Viens : je te le ferai. J’ai malefaim de toi !
    Il enrageait. Plutôt que d’épointer l’ardeur de Perrette, son immobilité, sa sérénité, son silence l’ébiselaient. Soudain, en gémissant, elle le tira si fort qu’elle chut sur ses coussins, l’entraînant auprès d’elle. Avec une énergie dont il fut ébaubi, elle le ceintura et le renversa sous elle.
    – Je t’en supplie : accorde-moi cette riole 27  !
    Tout en la repoussant doucement, fermement, il murmura :
    –  Quand on a pareil appétit, dame, on ne va pas s’énamourer d’un gars de mon espèce !… Pendant dix semaines, j’ai mangé une fois par jour, et si piteusement que je tiens à peine sur mes jambes… Je vous décevrais, j’en suis sûr, alors que si j’avais conservé ma vigueur, je vous aurais contentée… Mais vous devez avoir en votre mesnie 28 maints hommes qui voudraient…
    Il ne put achever : elle s’était redressée, poings aux hanches, impudique et par là même moins désirable que lorsqu’elle gisait sur ses coussins en des poses alanguies :
    – Ma mesnie !… Mes serviteurs et mes hommes d’armes, comme Messaline ! Pour qui me prends-tu ? Je ne me donne qu’aux prud’hommes ! Je suis comme la cantatrice de Rome qui répondait aux huées de ceux qui voulaient un chant et n’en recevaient aucun : « Equibus cano ! » Sais-tu ce que cela signifie ?
    – Je ne chante que pour des chevaliers.
    Elle domina sa surprise et d’une voix basse, souffle et murmure mêlés :
    – Je n’ai pas su te conjouir (1) 47 , je t’en fais l’aveu… Sans doute parce que tu es le plus beau chevalier que j’aie vu… Chevauche-moi !
    Brutalement, d’un envol de mains, elle détruisit sa couronne de cheveux si bellement apprêtée, jetant au loin sa bandelette d’orfroi.
    – Si tu savais combien je t’aime, tu me plaindrais plutôt que de me mépriser !
    Secouant la crinière épandue dans son dos, et dont un écheveau roula sur son épaule, elle s’exprimait d’un ton de supplication au-delà duquel Tristan perçut des grondements d’orage. Il voyait de très près l’ove de son visage, et les petites rides qui y affleuraient, placées là tout à la fois par l’âge et les excès. Quant aux yeux, la blancheur de leurs globes exorbités confirmait un accès de fureur dominé à grand-peine. Si elle lui avait dit ce mot qu’elle ne prononçait pas : «  Pourquoi ? » il lui eût répondu qu’entre ces quatre murs à semblance de lupanar princier, il se sentait davantage une proie qu’un homme, et que, plutôt que de la libérer, elle avait par ses gestes et postures dompté la bête d’amour qui sommeillait en lui ; qu’un mâle aime à se croire vainqueur des prologues aux joutes amoureuses, et qu’elle n’avait jamais cessé de le traiter en vaincu.
    –  Es-tu encore puceau ? Es-tu un clerc ?
    – Vous manquez, me semble-t-il, de soin et d’astuce pour vous offrir… Vous n’êtes pas ribaude, que je sache…
    – Vous me mêlez aux ribaudes !
    Elle n’avait retenu que ce mot et s’en était outrée au point, d’un geste rageur, d’en déchirer sa chemise. Ribaudes ! Ces créatures échevelées aux seins flétris, aux rires gras comme la fange d’où l’on prétendait qu’elles sortaient et qui, pour quelques piécettes, ouvraient leurs cuisses. Perverse, déshonnête, mais riche et honorée, purifiée de ses péchés dans sa piscine aromatique, Perrette abominait ces dévergondées moins luxurieuses qu’elle, sans doute, indispensables aux infortunés de toute sorte, nécessaires aux soudoyers dans les guerres puisqu’elles leur fournissaient, dans leurs ardeurs affectées, des semblances d’amour.
    « Moi-même, juste avant Poitiers… J’avais peur… Besoin qu’on m’aime ou qu’on le feigne puisque, face aux Goddons, je me ferais haïr. »
    Il avait circulé entre les chariots des ribaudes

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