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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tuerie existait donc. Son père lui avait raconté qu’à Crécy, trois évêques impatients d’occire des Goddons avaient tué à coups de crosse, du haut de leur cheval, les mercenaires de France qui leur empêchaient la voie. À Poitiers, lui-même, incrédule, avait vu un mitré vio lent et hargneux semoncer son suzerain : Renaud Chauveau, l’évêque de Chalons, en Champagne. Alors que le roi Jean allait accepter les propositions de paix des deux médiateurs du Pape, les cardinaux de Périgord et d’Urgel, ce prélat s’était répandu en violents reproches contre une résignation qu’il réprouvait. Il voulait rougir l’arestuel 51 de son bâton pastoral, aiguisé comme un fer de lance, dans des ventres et des poitrines anglaises. Il était mort victime de sa haine.
    –  Partez, femelles ! hurla Garcie du Châtel.
    Il y eut un frémissement de chairs pâles, un remuement de bancs, de vaisselle, quelques chutes d’écuelles et de hanaps accompagnées de cris d’effroi : des mains frappaient violemment des dos, des croupes, des nuques. Toutes ces nudités disparurent dans une chambre ouverte à l’opposé de la porte par laquelle les « tard-venus » étaient entrés.
    Cette fuite de dix ou douze femmes et jouvencelles ayant accompagné la ripaille des hommes débraillés, impudiques et fiers de l’être, consterna Tristan et l’immobilisa ainsi qu’Oriabel, transie.
    – Avancez, dit Bagerant. Ils ne vous mangeront pas !
    – Obéissez ! nasilla Héliot dans leur dos.
    Tristan se tourna vers cet adolescent trapu, englué dans sa force. Il avait le regard d’un veau et le mufle d’un âne ; il fit un mouvement vers la hanche d’Oriabel mais un « Non ! » de Bagerant le changea en statue. Alors, indifférent en apparence à cette présence désagréable, Tristan considéra, dans le brouillard du feu et des mangeailles chaudes, tous ces nuisibles, propagateurs d’un nouveau fléau, la peste rouge, et qui les observaient béatement, Oriabel et lui.
    Il se souvint d’une façon nette, foudroyante, d’un de ses entretiens avec Tiercelet, sur la paille d’une grange, avant que le sommeil les prît. Un des hommes qui sûrement soupait là ce soir entourait les récentes captives de révérences de Cour, puis leur demandait d’avoir l’obligeance d’extraire du fond d’un bassinet, un des cailloux qui s’y trouvaient réunis. Chaque tireuse croyait à un jeu. C’en était un, terrible : un galet rond et blanc la livrait à un chef ; un gris à un sergent ; un noir à la truandaille. « Certes », avait commenté Tiercelet, « il n’y en a que deux noirs pour une trentaine d’autres, mais il advient qu’une femme, une pucelle, ait la male chance d’en tirer un. On ne la revoit plus vivante, ni d’ailleurs un ou deux des gars qui se sont disputés pour l’avoir en premier. » Il s’était insurgé contre de telles pratiques. Tiercelet était convenu de leur atrocité. Puis il avait souri : « Un jour, on a assailli un couvent… Tallebarde a fait tirer toutes les nonnes et l’abbesse… » Il s’était tu et, involontairement sans doute, s’était signé.
    – Approchez ! Approchez ! dit un jeune barbu habillé d’une huque de velours garance dont le blason, cousu à gros points sur le cœur, portait de gueules à deux épées mises en sautoir, les pointes en bas, d’argent garnies d’or, les poignées d’or.
    –  C’est Jean Aymery, l’Anglais, dit Bagerant. Et près de lui, Jean Daalain, son capitaine… Anglais également… Venez, faisons le tour de cette sainte table !… Voyez, messeigneurs, ce que nous amène Tiercelet : Tristan de Castelreng, chevalier… Désormais, il sera des nôtres… Il prendra femme céans, devant nous !
    Paroles à double sens qui suffoquèrent Oriabel. De gros rires éclatèrent, que Bagerant interrompit d’un geste :
    –  Holà, compagnons !… Tristan va épouser vraiment sa colombe. J’exige qu’on les laisse roucouler en paix !
    – Mais quand il sera las de cette épouse… commença un homme à grosse tête hirsute dont le cou débordait comme un goitre d’une gorgière de fer.
    – Je ne m’en lasserai pas, dit Tristan d’une voix sèche, dure comme la lame qu’il tapotait. Avis vous en est présentement fourni.
    – Qui t’a enseigné l’estremie (1) 91  ? demanda un homme maigre, couvert de mailles empouacrées de vinasse et de sueur.
    Une expression de son pays surgit dans l’esprit de

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