Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
qu’allait-il penser à un routier breton !
    – J’ai de plus en plus peur, avoua Oriabel.
     
    ***
     
    Un mur d’enceinte apparut. Imitant Tiercelet, Tristan et Oriabel se baissèrent pour franchir une voûte basse et pénétrer dans une cour oblongue, ceinte d’un muret de cailloutage dont l’épaisseur assurait la solidité. Au fond s’élevait une bâtisse derrière laquelle, débordant du toit, des arbres remuaient leurs branches feuillues : le vent, que rien ne contrariait, soufflait en force. Des ombres animaient les clartés des fenêtres.
    – Nous y sommes, dit Bagerant.
    L’on mit pied à terre. Oriabel sauta aisément. Héliot siffla et ricana :
    – Mais c’est que la mâtine est agile !… Au lit, ça doit être un plaisir !
    Tristan, sourd à ce trait, enlaça la pucelle :
    – N’aie crainte… Nous mettons nos pieds dans l’antre de l’enfer, mais nous en sortirons sans plaie d’aucune sorte !
    Cela le rassérénait de mentir.
    Il abandonna les rênes de son moreau à un homme sorti de l’ombre ou comme enfanté par elle ainsi qu’une demi-douzaine d’autres, et vit avec satisfaction les compagnons de Bagerant, une fois leurs chevaux et mulets abandonnés aux palefreniers, quitter la cour pour être, sitôt de l’autre côté, acclamés et congratulés. Héliot seul mena son roncin vers ce qui devait être une écurie dont un mur, plus blanc que les autres, semblait récent. Bagerant se désheauma, passa sur ses cheveux brillants de sueur une main crochue, impatiente, pendant que Tiercelet, montrant les lumières de la maison, exprimait son étonnement :
    – Ils ne dorment pas encore ?
    – Je ne sais… Si nous n’interrompons pas leur sommeil, il se peut, compère, que nous troublions leurs ardeurs… Venez !
    Bagerant avait ri ; un rire sec et pointu ; bientôt, il poussa une porte luisante de pentures épanouies en fleurs de lis et criblée, dans ses angles, de clous gris, étirés, pareils à des cloportes.
    –  Holà ! cria-t-il. Que fait-on céans ?… Un banquet ou quelque chose de meilleur ?
    Serrant fort le bras de Tristan, Oriabel allait entrer quand elle étouffa un cri : la lueur d’un flambeau accroché en ces lieux venait de révéler, appuyé contre un mur, non loin d’un escalier abrupt accédant certainement à des chambres, un vouge au fer enfoncé dans une tête blafarde, émaciée, dont les yeux pourtant ternis semblaient vivre. Un bout de langue pendait entre les lèvres éclatées du malheureux comme s’il se moquait encore de ceux qui l’avaient malmené avant de le décapiter.
    – Tiens, Guyot ! s’étonna Bagerant. C’était l’écuyer d’Arnaud de Thillebort qu’on appelle aussi Tallebardon ou Tallebarde. Il tue souventefois pour bien montrer que sa réputation de cruauté mérite révérence… Eh, Guyot, qu’as-tu fait de ton corps ?… Donné aux cochons ?… Jette cela dehors, Tiercelet ! Il a sali le pavement. Une de nos femmes viendra le laver.
    Tristan s’attendit que le brèche-dent lançât un : « Fais-le toi-même ! » au capitaine. Il n’en fut rien. Avait-il peur maintenant, lui aussi ? Non, dans son esprit et son corps voués à la bataille sous quelque forme qu’elle se présentât, une nécessité venait de s’imposer : la prudence.
    Il empoigna le vouge en faisant la grimace. Oriabel ferma les yeux bien avant qu’il passât devant elle. Il y eut un bruit de chute dans la cour. Tiercelet réapparut, toujours grimaçant. Il frottait ses mains contre son haut-de-chausses.
    – C’est fait.
    De l’autre côté d’une cloison retentissaient des cris, certains gais, d’autres effrayés ; des rires, des heurts, des tintements.
    « Qu’allons nous découvrir ? » demanda le regard effrayé d’Oriabel.
    Tristan tapota la petite main crispée à la saignée de son coude. Il ne pouvait parler ; non pas qu’il n’eût rien de rassurant à dire, mais par précaution. Si l’épaisseur et la lourdeur de cette construction rustique le laissaient indifférent, toutes les énormités que ces murs ; pouvaient permettre et dissimuler aggravaient son mésaise. Plutôt que de s’affirmer, le faux orgueil qu’il s’était composé depuis la délivrance d’Oriabel se réduisait en poudre.
    Une chanson perça le tumulte lugubre, et la voix qui chantait semblait épouvantée :
     
    La dame fet les bains tremper
    Et les deux cuves aporter ;
    Devant le lit, tout à devise,
    À chacune des

Weitere Kostenlose Bücher