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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Tristan : «  Es propré couma uno barra de galiniè (1) 92 . » La réplique vint, aisée :
    – Tu connaîtras ma réponse si tu dois mourir de ma main.
    « Je me gonfle comme un paon ! » se dit-il.
    Mais n’était-ce pas le seul moyen dont il disposait pour s’imposer à toute cette crapule ? La preuve : nul ne s’ébaudissait de sa mise en garde.
    Il devait, cependant, se montrer circonspect : le respect rudement conquis dans la taverne d’Eustache allait maintenant lui manquer. Si Bagerant pouvait attester de son audace et de celle d’Oriabel, son témoignage, ici, était irrecevable : ces quinze souldars désoccupés de bombance, mécontents d’avoir été soudainement privés de leurs esclaves, ne sauraient jamais rien de cette échauffourée. L’eussent-ils apprise qu’ils s’en fussent montrés insoucieux : ils étaient sevrés de tout, sauf de cette luxure où ils puisaient et épuisaient leur plaisir.
    « Misère !… De quelle volonté sommes-nous les jouets ? Dieu ou Satan ? »
    Tristan devait accomplir de violents efforts pour dissimuler son écœurement et dominer l’angoisse qui l’étreignait et portait un nom : Oriabel. Peut-être eût-il été plus à son aise si cette rencontre avait eu lieu de jour ; si le soleil avait saupoudré de ses ors cette tablée immensément lugubre. Quelque acoquiné qu’il fût à ces écumeurs, Tiercelet lui-même semblait anxieux, attentif aux regards, mouvements et sourires.
    – Venez, les fiancés, dit Bagerant. Vous ne verrez pas le meilleur d’entre nous : Seguin de Badefol, le roi des compagnies, mais ceux qui sont présents méritent qu’on les connaisse (1) 93  !
    Serrés l’un contre l’autre, moins étroitement toutefois que lorsqu’ils avaient franchi le seuil abominable, Tristan et la jouvencelle, à la suite de leur hôte, contournèrent les festoyants. Bagerant disait un nom et ils s’inclinaient juste ce qu’il fallait.
    – Le Bourg de Breteuil, Espiote… Bertuchin… Pierre de Montaut… Arnaud de Thillebort qu’on nomme Tallebarde…
    « C’est ce singe borgne qui fait tirer au sort les prisonnières ! »
    –  Le Petit-Meschin… Jean Hazenorgue, qui vient des Allemagnes… Creswey, un Anglais… Bérart d’Albret, parent de Perducas d’Albret que certaines personnes nomment Bertuchin…
    Un gros taciturne, un maigre affreux, un chauve à visage chevalin traversé d’une plaie – front et joue cicatrisée mais suintante et qui devait au jour être d’un rose pâle. C’était une succession de faces brutales, répugnantes, dont l’enjouement bref et simulé aggravait la laideur. Tout en surveillant les regards et les mains, Tristan s’évertuait à garder le sourire. Bien que guérie depuis longtemps, sa blessure à l’épaule, mouillée de sueur, le démangeait sans qu’il osât se gratter de crainte que ce geste n’eût quelque conséquence inattendue contre sa personne.
    Et Bagerant continuait sa litanie :
    – Jean Doublet qui est nouveau parmi nous… Le Bascot de Mauléon…,
    Et soudain, du ton qu’il eût crié : « À l’arme ! » :
    –  Va falloir vous serrer, compagnons, car nous avons grand-faim.
    Il se baissa, ramassa une chemise légère et l’offrit à Oriabel :
    – La veux-tu ? C’est un beau présent de mariage.
    Oriabel secoua sa tête pâle. Négativement.
    – Crois-moi : celle qui l’a perdue ne te la réclamera pas.
    – Non, dit la pucelle, d’une voix menue, craintive :
    – Soit !
    Bagerant lança le vêtement dans la cheminée.
    – Vois-tu : rien ne compte céans hormis notre amitié.
    Héliot avait débarrassé une extrémité de la table des ustensiles qui l’encombraient. Après avoir fouillé dans une crédence bancale, il déploya un drap qu’il jeta sur le plateau comme un pêcheur d’épervier. Oriabel ébau cha un geste pour l’aider. Tristan s’y opposa : elle se fut dégradée irrémédiablement.
Prenez place, damoiselle, dit Bagerant, cérémonieux.
    Peut-être, ailleurs que dans cette tanière, se fût-elle absentée un moment. Présentement, c’eût été d’une imprudence folle.
    – Toi, l’ami, à la dextre de ta fiancée ; toi, Tiercelet, à sa senestre : ainsi se sentira-t-elle en sécurité… Moi, près de toi, Castelreng…
    Bagerant s’empressait sans effort apparent. Tristan s’inclina une fois de plus, et le moine Angilbert qui s’était tenu immobile et muet, les mains réunies sur son ventre,

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