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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’ennuyer. Profitant de ses bonnes dispositions à son égard, frère Angilbert reprit le fil de son récit :
    –  Guillaume de Saftinghe était dur, pieux, austère comme un saint… Quand en juin 1302, Robert d’Artois, sur commandement de Philippe le Bel, marcha vers Courtrai avec soixante mille hommes, exillant tout sur son passage et tuant tout ce qui vivait, des gens jusqu’aux chiens, frère Guillaume voulut aller se battre contre l’envahisseur, ce qui lui fut refusé. Il vola de chevaux et les vendit à Bruges. Il acheta des armes et en ceignit sa bure. Guillaume de Juliers en fit son conseiller…
    – Voilà bien, Angilbert, coupa Jean Aymery, ce que je te refuserais !
    Il y eut des rires tout autour de la table. Allons pour le moment – hormis ce cri de souffrance ou de mort –, les événements suivaient un cours sinueux, tout à la fois pénible et rassurant.
    – C’est grâce à la clergie de ce moine que, contre toute espérance, vingt mille Flamands vainquirent, le 11 juillet, les Français… Guillaume fut terrible, une cognée au poing, une lame dans l’autre…
    Il y eut des sifflements d’incrédulité dont frère Angilbert n’eut cure.
    – Frère Guillaume tua tant qu’il pouvait, sans merci : follement. Puis il revint au couvent. À peine cheminait-il dans le cloître qu’il reçut, pour sa conduite, de tels reproches d’un abbé qu’il lui sauta à la gorge… Le prieur intervint pour les séparer, aggravant ainsi le courroux de l’homme à la bure sanglante…
    – Seul le vin peut teinter la tienne ! releva Naudon de Bagerant.
    – Le père abbé s’enfuit, mais se retourna avant de franchir le seuil de la chapelle : « Souviens-toi de la nuit de Noël il y a six ans, cria-t-il. Anathème ! Anathème !… Tout sera divulgué ! » Guillaume pris de peur se jeta sur cet homme effrayé. On dit qu’il l’égorgea ainsi que le prieur, puis qu’il alla se réfugier dans une tour… Bientôt il y fut assailli par des hurons et des hommes d’armes… Il consentit à se rendre et fut emprisonné à Bruges, au Steen, la maison forte… Dieu lui vint en aide : il s’évada.
    –  Dieu ou Belzébuth ? questionna le Petit-Meschin, hilare. Que devint-il, ce moine que j’aime mieux que toi, car il savait tenir une épée… et une hache en même temps…
    – On dit qu’il franchit la mer et vécut en Syrie. Il abjura et devint Mahomet… Il eut même des femmes… Puis il fut pris de remords et mit fin à ses jours en sautant dans la mer…
    – Le remords ! cria Naudon de Bagerant. Qui, ce soir, connaît cette chose-là ?… Qui d’entre nous se sent capable de la décrire ?
    Il se leva et se mit à contourner la table, posant sa main sur l’épaule de chacun de ces hommes avec lesquels il avait tout commis.
    – Toi, Aymery ?… Toi, Bertuchin ?… Toi, Jean Creswey, de passage parmi nous ?… Toi, Espiote ?… Allons, parlez !… Savez-vous ce que c’est qu’un remords ?
    – J’en vois pas sur la table, dit en feignant de chercher, Arnaud de Thillebort.
    Garcie du Châtel, penché, regarda entre ses jambes :
    – Ni à mes pieds… Il n’y a que miettes et osselets…
    – Ni dans les pensées qui fermentent maintenant dans mon crâne, dit Pierre de Montaut en dévisageant Oriabel.
    –  Tu vois comme ils sont tous ? C’est l’unanimité Même Angilbert, s’il connaît la contrition, ignore ce que c’est qu’un remords ? Et toi ?
    Tristan sentit sous lui s’ouvrir un nouveau piège. Hésiter à répondre, c’était se déprécier dans l’esprit de ces malandrins.
    – Le remords, dit-il, c’est un même poison pour l’âme et pour le cœur. Je conçois donc que vous n’en puissiez éprouver.
    Les deux bras allongés comme s’il s’envolait, Naudon de Bagerant apaisa quelques cris de colère et de ricanements, cependant que Thillebort se levait :
    – Car évidemment, selon toi, nous sommes dépourvus de cœur et d’âme ?
    Du regard, Tristan défia ce borgne qui, pour s’égayer un brin, faisait extraire par ses captives des cailloux contenus dans son bassinet.
    – Je pense que certains d’entre vous ne manquent ni de cœur ni d’âme ; donc le remords peut les atteindre… Toi, Tiercelet, tu as un cerveau bien plein, et même bourré d’astuces… Et ton cœur est de belle taille et lourd de sentiments… blancs et noirs, qui parfois se contrarient… Il en va de même pour toi, Bagerant. J’ai appris en

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