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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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parvint
jusqu’à moi… Cet homme ! quel était cet homme qui agonisait
là, à trois pas de moi ! Je voulais le savoir à tout prix,
dussé-je être entendu, dussé-je être surpris et poignardé moi-même.
Sans hésitation, j’ouvris une porte ; je me trouvai dans un
couloir obscur, au fond duquel il y avait une autre porte. C’est de
là que venaient les gémissements…, j’entrai dans une étroite pièce
violemment éclairée… Sur le panneau du fond, il y avait un portrait
sur lequel mes yeux tombèrent du premier coup, et ce portrait,
Léonore, c’était celui-ci !… Et à terre, baigné dans son sang,
un homme râlait… Je me baissai, je reconnus Davila !… Je lui
pris la main, il ouvrit les yeux…
    « – Davila, m’entendez-vous ?
    « – Oui !, répondit-il dans un souffle.
    « – Qui vous a frappé ?…
    « – Imperia !
    « – Écoutez, Davila… savez-vous ce qui se trame près de
vous ? M’entendez-vous ?
    « – Parlez !
    « – Eh bien, on complote de dénoncer comme votre assassin
un malheureux…
    « – Oh !
    « – J’ai tout entendu.
    « – Qui ?
    « – Je ne sais pas !
    « – Oh !… râla Davila… cela ne sera pas… je vais…
j’irai… au Conseil…
    « – Bien !… Puis-je quelque chose pour vous en ce
moment ?
    « – Non…
    « – Je vais prévenir vos gens ?
    « – Non ! non !
    « – Pourquoi ?
    « – Parce qu’elle… se douterait… elle… m’achèverait… allez…
allez-vous-en…
    « – Adieu, Davila.
    « – Adieu… Allez… vite !… »
    Je me relevai, je m’enfuis, je retrouvai le valet, j’eus la
présence d’esprit de me couvrir le visage ; il m’accompagna
jusqu’à la porte du palais, et une heure plus tard j’étais ici… Le
lendemain…
    « Le lendemain, mon père, dit alors Léonore d’une voix
brisée, Imperia venait témoigner que Roland avait assassiné
Davila !
    – Mais Davila ! Davila ! Il ne vint donc
pas ?…
    – Il vint !…
    – Il ne parla donc pas ?
    – Il voulut parler : la mort ferma sa
bouche… »
    Il y eut une minute de silence pesant et sinistre.
    Puis Léonore se leva. Lentement, elle alla jusqu’au
portrait.
    « Oh ! Roland, dit-elle avec une sorte de solennité
douloureuse, pourquoi mon père a-t-il tant attendu pour me dire
l’horrible vérité que j’apprends ?…
    – Léonore ! Léonore ! s’écria Dandolo. N’étais-tu
pas assez malheureuse ! Fallait-il encore t’infliger ce
supplice ! Je ne me suis décidé à te raconter ces choses que
parce qu’un pressentiment m’avertit que nous allons être à jamais
séparés !
    – Oh ! Roland, continua Léonore, si j’avais su !…
Depuis longtemps tu serais vengé… Mais va, mon cher amant, sois
tranquille, tu le seras ! L’homme dont je porte le nom mourra
de cette main que j’étends vers toi en signe de suprême
serment ! »
    Ayant ainsi parlé, Léonore revint prendre sa place.
    « Léonore ! » murmura Dandolo.
    La jeune femme s’était couvert les yeux de ses deux mains.
    « Léonore ! » répéta le père.
    Elle fit signe qu’elle écoutait.
    « Écoute ma prière, mon enfant… Ne veux-tu pas fuir cette
cité maudite où tu vis parmi des fantômes sanglants ?…
    – Jamais, mon père ! répondit-elle sourdement.
    – Je t’en supplie… Viens… partons ensemble… fuyons…
    – Maintenant moins que jamais. Quoi ! J’ai donc parlé
en vain ! Ou bien n’avez-vous pas entendu le serment que je
viens de faire !… »
    Elle se dressa toute droite, terrible.
    « Altieri mourra, reprit-elle, à moins… que quelqu’un ne le
prévienne !… »
    Dandolo poussa un gémissement. Il recula, hagard, tremblant,
livide, trouva la porte et s’y cramponna.
    « Adieu, Léonore… murmura-t-il.
    – Adieu, mon père… »
    Il disparut, s’en alla, titubant, ivre de honte…
    Ainsi ce récit, qui devait convaincre sa fille, n’avait servi
qu’à creuser encore l’abîme qui le séparait d’elle !
    Ainsi, c’était fini ! Il n’avait plus de fille…
    Oh ! fuir, maintenant ! Ne plus jamais revoir sa fille
telle qu’il venait de la voir, debout, pâle, un remords
vivant !
    Il parvint jusqu’à sa chambre et, en toute hâte, s’occupa de
rassembler quelques objets auxquels il tenait. Puis il ramassa des
papiers en tas, les jeta pêle-mêle dans la cheminée sans les
examiner et y mit le feu.
    Puis il se couvrit d’un épais manteau, et but un

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