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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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gémissements sourds montaient des
entrailles du sombre monument et passaient sous le pont des Soupirs
comme une rafale de la douleur humaine.
    « Patience ! dit Roland en étendant la main vers les
murs couverts de salpêtre, patience, l’heure de la délivrance est
proche… patience, condamnés, mes frères !… »
    Roland se calma par degrés.
    « Monsieur, reprit-il d’une voix plus calme, les fils ne
sont pas responsables des crimes de leurs pères. Le vôtre est mort,
et j’ignore si, à la minute suprême, il n’a pas expié son crime par
quelque pensée de terreur et de repentir. Si donc, je vous ai
rappelé ce passé qui pèsera sur toute ma vie, c’est que je voulais
vous faire comprendre le droit que j’ai d’intervenir dans votre
vie, à vous, et me dresser entre vous et ceux que vous voulez
frapper. »
    Grimani, maintenant, se remettait. De tout ce que Roland venait
de dire, il ne retenait que deux points essentiels pour lui ;
d’abord, Roland Candiano, malgré les derniers mots qu’il venait de
prononcer, avait contre lui de graves motifs de haine ;
ensuite, fait plus essentiel encore, Roland connaissait évidemment
la conspiration. À ce double point de vue il était redoutable.
    Grimani était homme de courage et de sang-froid.
    La première émotion passée, il concentra toutes ses ressources
de réflexion rapide et de forces sur ce seul point :
    Tuer Roland Candiano.
    « Monsieur, dit-il froidement, vous avez voulu me parler,
et vous voyez que je vous écoute avec patience, attendant qu’il
vous plaise de m’expliquer ce que vous attendez de moi. »
    Roland dédaigna de retenir l’ironie voulue de l’accent.
    « Je suis venu, répondit-il froidement, vous proposer de
choisir entre la vie et la mort. »
    Grimani tressaillit.
    « Voici ce que je vous propose, reprit Roland, n’ayant
contre vous aucun motif de haine. Vous quitterez Venise à l’instant
même, et vous n’y rentrerez pas avant un mois.
Acceptez-vous ?
    – Je pourrais vous dire que j’accepte, quitte à
demeurer ! »
    Roland sourit : « Rassurez-vous ; si vous
acceptez de partir, je vous démontrerai la nécessité qu’il y a pour
vous de tenir parole.
    – Tout au moins, reprit Grimani, me permettrez-vous de vous
demander pourquoi il est nécessaire que je sorte de Venise en un
moment où je tiens fort à y rester ?
    – Parce que, répondit Roland, il est nécessaire que vous ne
commettiez pas, comme votre père en commit une, quelque lâcheté
dont je pourrais avoir à souffrir… Je vous prie de remarquer,
monsieur, que je ne m’intéresse nullement à votre état moral. Soyez
un lâche, soyez un piètre et misérable bravo tant que vous voudrez
– pourvu que je ne vous trouve pas sur mon chemin. Je vous prie en
outre d’observer que c’est avec une entière patience que je vous
donne toutes les explications qu’il vous paraît utile de me
demander. »
    Grimani fit un signe de tête, en forme d’ironique remerciement.
Il lui parut évident que Roland Candiano le ménageait, ou tout au
moins n’avait pas de mauvaise intention immédiate contre lui. Cette
certitude lui laissa une liberté d’esprit suffisante pour étudier
son coup.
    La position était exactement celle-ci :
    La gondole amarrée au crampon contre le mur de la prison,
presque au-dessous du pont, s’était, sous la poussée de l’eau,
rangée contre la muraille même.
    À l’avant, était assis Grimani, ayant le crampon de fer à sa
gauche, et Roland devant lui, sur une banquette.
    Au moment où Roland lui avait tendu son poignard, Grimani
l’avait rengainé.
    Toute la question, pour lui, était donc de dégainer sans que
Roland s’en aperçût. Alors, de la main gauche, il tirerait
violemment sur le crampon pour donner une secousse à la barque et,
en même temps, profitant du mouvement instinctif que ferait Roland
pour se maintenir en place, il le frapperait à la poitrine.
    Tel fut le plan de Grimani, homme de sang-froid, comme nous
avons dit. Mais pour réussir, il fallait dégainer sans attirer
l’attention de Roland.
    « Qui vous dit, reprit-il, que je veuille me transformer en
bravo ?
    – Que faites-vous ici ? dit Roland. N’êtes-vous pas à
votre embuscade ? N’attendez-vous pas celle que vous devez
frapper ? Votre père, pour la réussite d’une conjuration,
condamna un homme à être aveuglé et un autre à mourir lentement
dans les puits. Vous, plus expéditif, voulez employer le

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