Les Amazones de la République
lâesclave de lâautre, ne va pas, non plus, sans complications. On a beau habiller ses journées de rites classiques, propres à tout un chacun â boulot, copains, tambouille, téléâ¦Â â, maquiller sa vie des fards de la normalité et vaquer à des occupations semblables à celles que vivent, chaque jour, des millions de Français, il nâempêche : sous les dorures des palais de la République, et plus encore, de lâÃlysée, tout prend une autre dimension.
Lâagrandissement du minuscule : chaque geste anodin est sublimé, chaque détail domestique de la vie quotidienne prend une tout autre valeur. Chaque jour qui passe fait de vous lâesclave et le chandelier du maître des lieux dâun protocole qui vous étouffe.
Roman dâamour dâun homme et de la politique : Nicolas Sarkozy sâen allait épouser son destin. Et Anne Fulda, qui venait de prendre ce train en marche, assistait au spectacle dâune foule de pique-assiettes en révérence et à lâarrivisme nerveux. On lâobservait de travers, à la dérobée. Dâaucuns lui trouvaient du « peps », du « chien », de « lâallure » : à lâévidence, cette jeune femme, bien née â parce que travaillant au Figaro â, nâavait pas fréquenté la gauche. Câest déjà ça. Cécilia évanouie dans la nature, elle ferait peut-être lâaffaire, sait-on jamais. On déroulerait demain, sous ses pas â qui sait ? â, les tapis rouges de la République. Sâagrandirait dans son ciel cette bonne étoile qui semblait veiller sur elle. Et tomberait dans la corbeille de la mariée â puisquâil fut même question, un temps, dâune cérémonie â, un statut de première dame.
Les salons de la place Beauvau furent ainsi le théâtre de nombreux dîners privés, qui virent le ban et lâarrière-ban du Tout-Paris de la politique et du show-biz, rameutés par le premier cercle dâun homme au firmament des sondages, qui sâapprêtait, alors, à rentrer dans « le dur » : dans la dernière ligne droite de sa campagne.
Lâon vit ainsi certains soirs, autour du couple, une pléiade dâartistes, tels Patrick Bruel, Maxime Le Forestier, ou encore Charles Aznavour. Assise sur lâaccoudoir du fauteuil, dans lequel « Nicolas » sâinstallait, « Anne » jouait les maîtresses de maison. Au fil des semaines, elle sâétait faite une tranquille raison : lâhomme qui lui tenait la main et lui parlait dâune voix basse et douce, tout bourdonnant dâenthousiasme et de joie de vivre, semblait croire tout ce quâil disait, tout ce quâil rêvait.
Les premiers jours, « Anne » sâétait dit quâelle aurait peut-être dû baliser ce sentier qui lâavait amené à « Nicolas », dâune poignée de petits cailloux, afin de retrouver le chemin de son logis, une fois cette parenthèse refermée. Mais avec les semaines, elle sâétait peu à peu forgée une conviction : tout ce grand désordre dâidées, toute cette agitation fiévreuse et ces préparatifs qui entouraient Nicolas Sarkozy, tout ce maelström en vue de lâassaut final, ne devait pas lâempêcher de croire à son roman dâamour.
« Jâai profondément aimé lâhomme, mais pas le politique », a-t-elle souvent pour coutume de confier, encore aujourdâhui, quand elle regarde dans son rétroviseur. Lâexpression dâune femme amoureuse et avisée, qui connut les deux faces de Nicolas Sarkozy : celle du sicaire aux ruades dévastatrices et aux joues gonflées dâambition, dâun côté. Celle de lâamoureux transi, capable de débiter, en chapelet, des mots incandescents à lâoreille de lâêtre aimé, de lâautre.
Durant ces quelques mois dâune véritable passion réciproque, certains visiteurs du soir entendront Nicolas Sarkozy converser avec son directeur de cabinet, Claude Guéant, dont il attirait lâattention sur telle ou telle question importante du moment. Et comme sâil lui fallait valider son propos, lâancien ministre ajoutait : « Anne
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