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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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l’esclave de l’autre, ne va pas, non plus, sans complications. On a beau habiller ses journées de rites classiques, propres à tout un chacun – boulot, copains, tambouille, télé… –, maquiller sa vie des fards de la normalité et vaquer à des occupations semblables à celles que vivent, chaque jour, des millions de Français, il n’empêche : sous les dorures des palais de la République, et plus encore, de l’Élysée, tout prend une autre dimension.
    L’agrandissement du minuscule : chaque geste anodin est sublimé, chaque détail domestique de la vie quotidienne prend une tout autre valeur. Chaque jour qui passe fait de vous l’esclave et le chandelier du maître des lieux d’un protocole qui vous étouffe.
    Roman d’amour d’un homme et de la politique : Nicolas Sarkozy s’en allait épouser son destin. Et Anne Fulda, qui venait de prendre ce train en marche, assistait au spectacle d’une foule de pique-assiettes en révérence et à l’arrivisme nerveux. On l’observait de travers, à la dérobée. D’aucuns lui trouvaient du « peps », du « chien », de « l’allure » : à l’évidence, cette jeune femme, bien née – parce que travaillant au Figaro  –, n’avait pas fréquenté la gauche. C’est déjà ça. Cécilia évanouie dans la nature, elle ferait peut-être l’affaire, sait-on jamais. On déroulerait demain, sous ses pas – qui sait ? –, les tapis rouges de la République. S’agrandirait dans son ciel cette bonne étoile qui semblait veiller sur elle. Et tomberait dans la corbeille de la mariée – puisqu’il fut même question, un temps, d’une cérémonie –, un statut de première dame.
    Les salons de la place Beauvau furent ainsi le théâtre de nombreux dîners privés, qui virent le ban et l’arrière-ban du Tout-Paris de la politique et du show-biz, rameutés par le premier cercle d’un homme au firmament des sondages, qui s’apprêtait, alors, à rentrer dans « le dur » : dans la dernière ligne droite de sa campagne.
    L’on vit ainsi certains soirs, autour du couple, une pléiade d’artistes, tels Patrick Bruel, Maxime Le Forestier, ou encore Charles Aznavour. Assise sur l’accoudoir du fauteuil, dans lequel « Nicolas » s’installait, « Anne » jouait les maîtresses de maison. Au fil des semaines, elle s’était faite une tranquille raison : l’homme qui lui tenait la main et lui parlait d’une voix basse et douce, tout bourdonnant d’enthousiasme et de joie de vivre, semblait croire tout ce qu’il disait, tout ce qu’il rêvait.
    Les premiers jours, « Anne » s’était dit qu’elle aurait peut-être dû baliser ce sentier qui l’avait amené à « Nicolas », d’une poignée de petits cailloux, afin de retrouver le chemin de son logis, une fois cette parenthèse refermée. Mais avec les semaines, elle s’était peu à peu forgée une conviction : tout ce grand désordre d’idées, toute cette agitation fiévreuse et ces préparatifs qui entouraient Nicolas Sarkozy, tout ce maelström en vue de l’assaut final, ne devait pas l’empêcher de croire à son roman d’amour.
    Â«Â J’ai profondément aimé l’homme, mais pas le politique », a-t-elle souvent pour coutume de confier, encore aujourd’hui, quand elle regarde dans son rétroviseur. L’expression d’une femme amoureuse et avisée, qui connut les deux faces de Nicolas Sarkozy : celle du sicaire aux ruades dévastatrices et aux joues gonflées d’ambition, d’un côté. Celle de l’amoureux transi, capable de débiter, en chapelet, des mots incandescents à l’oreille de l’être aimé, de l’autre.
    Durant ces quelques mois d’une véritable passion réciproque, certains visiteurs du soir entendront Nicolas Sarkozy converser avec son directeur de cabinet, Claude Guéant, dont il attirait l’attention sur telle ou telle question importante du moment. Et comme s’il lui fallait valider son propos, l’ancien ministre ajoutait : « Anne

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