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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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redevenir en privé une épouse intraitable. Qui le sabra.
    Car, si « Bernadette » se fanait élégamment en public, rectifiant, sous les objectifs des caméras, fièrement son allure, qu’elle rehaussait d’un orgueilleux coup de menton, elle retrouvait, face à son « Jacquot », tout le mordant dont elle était alors capable. Et Chirac, dans ces cas-là, n’en menait souvent pas large. Celui qui avait fait craquer, tant de fois, les corsets d’une vie conjugale qui l’étouffait – pour aller en dégrafer d’autres, plus légers –, revenait immanquablement au bercail, où il s’employait alors à rapiécer, tant bien que mal, son couple.
    Â«Â Où est ma femme ? », « Avez-vous vu Bernadette ? », « Trouvez-moi mon épouse ! »… Combien de fois l’a-t-on vu pendu au téléphone, tel un toutou perdu à la recherche de celle à qui il réclamait laisse, collier et pitance ? Soudainement orphelin de la femme qui le tenait à bout de gaffe.
    Ainsi, cette autre scène qui se déroula, un soir de 1988, à Courchevel, durant la cohabitation. Journaliste à TF1, Florence Schaal faisait alors partie du jury de « La Femme en or », l’un de ces nombreux trophées décernés chaque année par un magazine féminin. Bernadette Chirac, qui s’était laissé convaincre de parrainer cet événement, prononça quelques mots à la tribune, puis passa à table pour le traditionnel dîner de gala, qui clôturait cette manifestation médiatico-mondaine sans grand intérêt.
    Assise en présence d’une brochette de journalistes, dont Florence Schaal et Catherine Jentile, Bernadette Chirac faisait le spectacle : caquetant politique et chiffon, elle évoquait, notamment, le tailleur-pantalon qu’elle venait de mettre pour la toute première fois et dont elle racontait l’acquisition, jusque dans ses plus infimes détails.
    Quand sonna son téléphone portable.
    Â«Â C’est Jacquot », chuchota-t-elle à sa voisine, en levant les yeux au ciel. « Je ne peux pas vous parler très longtemps, car je suis en plein dîner, Jacques, rappelez-moi un peu plus tard », lui dit-elle. « Bernie » raccrocha et, se retournant vers les deux journalistes, lâcha : « C’est encore mon Jacquot ! » Or les deux journalistes n’en crurent pas leurs oreilles, quand l’épouse du président de la République leur expliqua qu’il lui téléphonait au beau milieu d’un dîner d’État, en plein sommet d’un G8, au Danemark. Et qu’il y avait à sa table, non seulement le Premier ministre danois – « un pisse-froid, à qui il n’a rien à dire », traduisait-elle –, mais également Tony Blair et George Bush.
    Très en verve, Bernadette Chirac raconta ainsi, à haute voix et par le menu à des journalistes qui auraient pu recycler ses propos dans la presse, que son époux de président « s’emmerdait » entre un autre ministre grec, fantomatique, « un ectoplasme », lequel était flanquée d’une « femme affreuse ». Quant à la brochette de grands de ce monde qui l’entourait, il n’avait tout simplement « pas grand-chose à leur dire ».
    M me  Bernadette Chodron de Courcel, qui montait en gamme au fur et à mesure que s’écoulait la soirée, ne fut pas à court d’anecdotes. Si bien que chacun put en profiter largement autour de la table. « Vous ne pouvez pas savoir ! Je suis venue jusqu’ici par le train. Et mon chauffeur, par la route. » L’épouse de Jacques Chirac, qui confiait avoir fait le trajet de Paris à Chambéry en TGV, avait exigé qu’une voiture descende spécialement de Paris et l’attende à la gare, afin qu’on l’emmène ensuite vers Courchevel. Toutes choses qui auraient pu égayer les colonnes des gazettes…
    Mais où était donc Jacques Chirac, à l’heure où son épouse regagnait son hôtel ? Au téléphone et à sa recherche, toujours. « Quel est votre numéro de chambre, Bernadette ? — Mais Jacques, je ne sais pas encore, je viens d’arriver !

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