Les Amazones de la République
redevenir en privé une épouse intraitable. Qui le sabra.
Car, si « Bernadette » se fanait élégamment en public, rectifiant, sous les objectifs des caméras, fièrement son allure, quâelle rehaussait dâun orgueilleux coup de menton, elle retrouvait, face à son « Jacquot », tout le mordant dont elle était alors capable. Et Chirac, dans ces cas-là , nâen menait souvent pas large. Celui qui avait fait craquer, tant de fois, les corsets dâune vie conjugale qui lâétouffait â pour aller en dégrafer dâautres, plus légers â, revenait immanquablement au bercail, où il sâemployait alors à rapiécer, tant bien que mal, son couple.
« Où est ma femme ? », « Avez-vous vu Bernadette ? », « Trouvez-moi mon épouse ! »⦠Combien de fois lâa-t-on vu pendu au téléphone, tel un toutou perdu à la recherche de celle à qui il réclamait laisse, collier et pitance ? Soudainement orphelin de la femme qui le tenait à bout de gaffe.
Ainsi, cette autre scène qui se déroula, un soir de 1988, à Courchevel, durant la cohabitation. Journaliste à TF1, Florence Schaal faisait alors partie du jury de « La Femme en or », lâun de ces nombreux trophées décernés chaque année par un magazine féminin. Bernadette Chirac, qui sâétait laissé convaincre de parrainer cet événement, prononça quelques mots à la tribune, puis passa à table pour le traditionnel dîner de gala, qui clôturait cette manifestation médiatico-mondaine sans grand intérêt.
Assise en présence dâune brochette de journalistes, dont Florence Schaal et Catherine Jentile, Bernadette Chirac faisait le spectacle : caquetant politique et chiffon, elle évoquait, notamment, le tailleur-pantalon quâelle venait de mettre pour la toute première fois et dont elle racontait lâacquisition, jusque dans ses plus infimes détails.
Quand sonna son téléphone portable.
« Câest Jacquot », chuchota-t-elle à sa voisine, en levant les yeux au ciel. « Je ne peux pas vous parler très longtemps, car je suis en plein dîner, Jacques, rappelez-moi un peu plus tard », lui dit-elle. « Bernie » raccrocha et, se retournant vers les deux journalistes, lâcha : « Câest encore mon Jacquot ! » Or les deux journalistes nâen crurent pas leurs oreilles, quand lâépouse du président de la République leur expliqua quâil lui téléphonait au beau milieu dâun dîner dâÃtat, en plein sommet dâun G8, au Danemark. Et quâil y avait à sa table, non seulement le Premier ministre danois â « un pisse-froid, à qui il nâa rien à dire », traduisait-elle â, mais également Tony Blair et George Bush.
Très en verve, Bernadette Chirac raconta ainsi, à haute voix et par le menu à des journalistes qui auraient pu recycler ses propos dans la presse, que son époux de président « sâemmerdait » entre un autre ministre grec, fantomatique, « un ectoplasme », lequel était flanquée dâune « femme affreuse ». Quant à la brochette de grands de ce monde qui lâentourait, il nâavait tout simplement « pas grand-chose à leur dire ».
M me  Bernadette Chodron de Courcel, qui montait en gamme au fur et à mesure que sâécoulait la soirée, ne fut pas à court dâanecdotes. Si bien que chacun put en profiter largement autour de la table. « Vous ne pouvez pas savoir ! Je suis venue jusquâici par le train. Et mon chauffeur, par la route. » Lâépouse de Jacques Chirac, qui confiait avoir fait le trajet de Paris à Chambéry en TGV, avait exigé quâune voiture descende spécialement de Paris et lâattende à la gare, afin quâon lâemmène ensuite vers Courchevel. Toutes choses qui auraient pu égayer les colonnes des gazettesâ¦
Mais où était donc Jacques Chirac, à lâheure où son épouse regagnait son hôtel ? Au téléphone et à sa recherche, toujours. « Quel est votre numéro de chambre, Bernadette ? â Mais Jacques, je ne sais pas encore, je viens dâarriver !
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