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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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Laissez-moi au moins poser ma valise. » « C’est hallucinant, confia-t-elle aux deux journalistes qui l’avaient raccompagnée à son hôtel, il ne peut pas se passer de moi ! Il ne peut pas me lâcher une seconde. Il veut toujours savoir où je suis. Avec qui je déjeune ou dîne. Là, par exemple, je vais être obligée de le rappeler pour lui expliquer quelle a été ma soirée. Avec qui j’étais. Et la liste des gens que j’ai rencontrés. Vous, Catherine, et vous, Florence… » Alors que George Bush l’entremettait sur les questions du Moyen-Orient et que Tony Blair lui parlait politique monétaire, Chirac pistait celle à laquelle il avait lié son destin. Mais dont il avait aussi saccagé des pans entiers de l’existence, multipliant les parties d’oreillers aux quatre coins du globe. Pile, un mari prévenant et délicat, battant quand il fallait sa coulpe devant une épouse défaite et relevant les compteurs. Face, une bête de concours aux rendements surhumains, que son appétit débordant embarquait dans des parties de « jambes en l’air » parfois chaotiques.
    Chirac marchait ainsi d’un pas flâneur dans les allées d’une vie parsemée de conquêtes. Jusqu’au jour où la foudre s’abattit sur notre beau bourdon et son complice. S’il ne fut pas rare que Bernadette et Jacques Chirac aient quelques solides explications de gravures, cette algarade tint son rang sur l’échelle de Richter d’une épouse en éruption : Quelle soufflante !
    Â«Â Restez là, monsieur Laumond, je vous interdis de quitter cette pièce ! » Le dos de l’intéressé se fit tout rond, quand l’épouse de Jacques Chirac le stoppa net dans sa tentative d’exfiltration d’une pièce, où la foudre venait de s’abattre. Passé à la question, notre chauffeur dut se multiplier en contorsions pour ne pas plonger Jacques Chirac dans une situation encore plus délicate qu’elle ne l’était déjà.
    Si jouer les benêts et tricoter des histoires à dormir debout, pour sauver « le patron » étaient en général dans ses cordes, Laumond se sentit, ce jour-là, à court de plaidoirie, un peu sec, face à celle dont le réquisitoire pulvérisa les dernières défenses d’un Chirac battant en retraite, le regard las. Son sens de l’intuition lui souffla, ce jour-là, de se tenir plutôt à carreau…
    Trois décennies plus tard, Laumond confie avoir gardé en mémoire cet épisode, qui vit Bernadette Chirac ruer dans les brancards comme rarement. Jusqu’à menacer de faire ses valises, « sur-le-champ ! ». Laumond, pour sa part, en tira un enseignement définitif : sauf à finir broyé par cette famille à laquelle il vouait une dévotion déclinante, il lui fallait s’éloigner, dare-dare, de ce chaudron. L’abnégation avec laquelle il avait servi Chirac, comme peu, l’avait entraîné au-delà des limites du raisonnable. Et Bernadette, qu’une dernière lame venait de déposer sur une plage d’humiliation, s’apprêtait à sonner la fin de la partie.
    Â«Â Il fallait que cela se termine, en convient l’impétrant. Je vivais la vie de quelqu’un qui avait volé la mienne. Je ne m’appelais plus Jean-Claude Laumond. Je n’étais plus pour tous et pour moi, y compris, que le chauffeur à Chirac . En vacances, on m’appelait le chauffeur à Chirac. Quand j’allais dîner avec mon épouse, au restaurant, on disait : « “Tiens, voilà le chauffeur à Chirac  !” Ayant perdu toute identité, toute personnalité, je n’étais que l’ombre et le chaouch d’un homme, qui m’aura fasciné, mais dont il me fallait absolument, une question de survie, divorcer », acheva-t-il, avec le ton de l’amant dupé, que le giton congédie après une longue et belle histoire d’amour en trompe l’œil…
    Deux mille cinq cents heures de vol et plus de deux millions de kilomètres parcourus à ses côtés, plus tard, Jean-Claude Laumond recouvrit son nom. Et une identité.
    Mais à quel prix…
    Entendu à plusieurs reprises par les juges d’instruction en charge

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