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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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d’éviter le plus possible les nuits passées dans les appartements des préfectures et de préférer quelques hôtels discrets, tout juste étoilés, aux luxueuses dépendances de la République.
    Aussi, quand Jacques Chirac se rendait en Corrèze, dans sa bonne ville de Brive, il choisissait de passer la nuit à l’hôtel Mercure plutôt qu’à la préfecture de Région. Chaque fois, le rituel était le même : Laumond visitait l’hôtel en éclaireur, montait dans la chambre, qu’occuperait un peu plus tard Jacques Chirac, et y déposait une housse dans laquelle avaient été placés quelques costumes. Ainsi que deux trousses, dont une de toilette, qu’il déposait dans la salle de bains. Entre 1972 et 1995, Jean-Claude Laumond n’a jamais su ce qu’il y avait dans la seconde, laquelle était fermée par un petit cadenas, dont seul Jacques Chirac avait la clé… Ses valises étaient également pourvues d’un code, dont Jean-Claude Laumond connaissait, en revanche, la combinaison : trois chiffres, 5-0-0.
    Or, un matin, Bernadette Chirac convoqua, en colère, le chauffeur à propos de ces fameuses valises auxquelles elle n’avait pas accès, n’ayant pas le fameux code : « Comment voulez-vous que je range ses affaires et m’occupe de son linge si je ne peux pas ouvrir ces foutues valises ! », tonna celle qui remoulait ses phrases comme un boucher ses couteaux, avec l’objectif de lui arracher cette combinaison. Mais Laumond, qui avait pour consigne absolue de protéger les effets personnels de son patron, comme s’il s’agissait de la force de frappe nucléaire, refusa de lui donner ce numéro à trois chiffres. Elle s’en « tapait », elle s’en « foutait », des consignes de son mari ! La qualité du silence de notre héros fut à ce point colossale que l’entrevue prit un tour explosif. Mais le chauffeur ne craqua pas. Et le précieux bagage resta inviolé.
    Bernadette Chirac ne fut pas au bout de ses surprises quand elle apprit un matin que le même Jean-Claude Laumond venait de se voir bombarder par son mari chargé de mission à la Direction des affaires internationales de la mairie de Paris ! Le Quai d’Orsay s’en étrangla et « Bernie » en resta coite ! C’était pourtant l’artifice qu’avait trouvé Chirac afin que son cocher, devenu chancelier, puisse donner ordres et consignes à l’ensemble des fonctionnaires de la Ville, comme aux policiers chargés de sa sécurité. Si bien qu’une armée de hauts dignitaires comprit ce jour-là que ce factotum au franc-parler de déménageur disposait de toute la confiance de Chirac, au point de veiller personnellement sur son porte-serviette : un petit caratable dont il avait la garde et dont il ne s’éloignait pas, comme s’il s’agissait d’un fourgon de la Brink’s.
    Ragaillardi, la forme retrouvée, les joues gonflées d’assurance et le geste sûr, Laumond toisait ainsi les petits marquis de la Ville et promenait à petits pas sa revanche, avec l’air inspiré de celui qui, cardinalisé, venait passer, par la magie d’un parapheur, du séminaire au Vatican. Mais chauffeur tu es, chauffeur tu restes ! Une fois au volant, Laumond retrouvait les servitudes de sa fonction.
    Cette autre scène, pour s’apitoyer et sourire à la sauvette… Lors de l’un de ses nombreux déplacements en province, à Toulouse, alors qu’ils partageaient le même hôtel, Jacques Chirac s’en alla frapper à la porte de la chambre de son chauffeur, située à quelques pas de la sienne : « Dites-moi, Laumond, je peux visiter votre chambre ? — Bien sûr, monsieur, mais excusez-moi, il y a un problème ? — Non Laumond, mais je veux la voir, si cela ne vous ennuie pas. » S’engouffrant dans la pièce, Chirac jeta un coup d’œil panoramique, puis visita la salle de bains, ouvrit la porte des toilettes, et passa une tête par la fenêtre qui donnait sur le parking de l’hôtel. « Toutes les chambres sont les mêmes, monsieur », fit alors le chauffeur, qui ne comprenait pas ce que cherchait son visiteur. Mais une fois son inspection

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