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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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tombeau ouvert vers la mort, au volant de la Mercedes noire qui allait s’encastrer contre un pylône du tunnel du pont de l’Alma, à Paris, un autre chauffeur, celui de Jacques Chirac, somnolait dans l’habitacle d’une limousine garée à quelques mètres du domicile parisien de l’actrice Claudia Cardinale.
    Comme on l’a souvent dit et écrit, Jacques Chirac entretint une liaison avec cette grande actrice italienne : une « rumeur » qu’elle démentit, dont elle s’offusqua et dont elle se défendit, drapée dans un châle d’innocence, mais sans grande conviction. Celle-ci habitait boulevard Henri-IV à Paris. Et c’est à cette adresse que le chauffeur de Chirac se rendait le plus souvent, « afin d’y déposer fleurs et courriers », dit-il. Il arrivait parfois à ce dernier d’oublier le code d’accès à l’immeuble, qu’il allait demander au patron du magasin qui le jouxtait : « C’est parce que je sais très bien qui vous êtes que je vous le donne », répondait dans un clin d’œil complice le commerçant en question.
    Diva, divine, femme pleine de grâce bénie entre toutes les femmes, cette figure du cinéma italien ensorcela Jacques Chirac. Au point qu’il en oubliait tout, quand il rampait jusqu’à son domicile, où il lui dédicaçait des soirées entières.
    Si bien que, lorsqu’il sortit de son appartement, cette fameuse nuit du 31 août, sur les coups de 3 heures du matin, il trouva son chauffeur au bord de l’apoplexie : Lady Diana était au bord de la mort et la République tout entière, en ébullition, était à sa recherche. Le moment avait quelque chose d’ubuesque. Le chauffeur du président de la République, qui somnolait dans sa voiture, stationnée deux cents mètres en contrebas de l’immeuble de l’actrice – une vieille consigne de Chirac, qui ne souhaitait pas que l’on puisse repérer l’adresse précise où on l’avait déposé –, avait été réveillé en sursaut par la radio qui reliait la voiture de Chirac à l’Élysée.
    Â«Â Où est le président ?, s’affolait au bout du combiné l’un de ses conseillers. Il faut absolument le joindre ! » Embarrassé, Jean-Claude Laumond, dont les téléphones crépitaient dans un concert funèbre, ne savait que dire au préfet de police de Paris, qui l’appela à son tour : le prince Charles arrivait à Paris, l’ambassade de Grande-Bretagne et les médias du monde entier battaient le branle-bas de combat, mais Jacques Chirac était introuvable ! Jean-Pierre Chevènement, qui était alors ministre de l’Intérieur, prit alors sur lui de téléphoner à Bernadette, son épouse, qu’il réveilla : « Nous cherchons le président d’urgence, madame. — Est-ce que vous pouvez imaginer où est mon mari, à cette heure-ci… », répliqua, cinglante, celle qui l’envoya paître, et que la disparition de son époux importait bien moins que la funeste nouvelle qui venait de lui être annoncée.
    S’engouffrant dans sa voiture, Chirac, qui avait recouvré ses esprits, demanda à son chauffeur de foncer vers le pont de l’Alma. Où une nuée l’accueillit. Dans la carcasse d’une Mercedes devenue catafalque, se mourait une princesse volage, qu’avait rejointe, en toute hâte, un président de la République, non moins infidèle, qui venait de rendre quelques hommages à une autre tête couronnée. Du septième art, celle-ci.

Chapitre 32
« C’est Jacquot… »
    Toute sa vie, Bernadette Chirac s’est cloîtrée dans un silence requis : glissant ses petits pieds dans les grands souliers d’un grand escogriffe, dont elle n’évoqua jamais les incartades en société – si ce n’est auprès d’un cercle de confidentes compatissantes –, elle mit sa tristesse sous scellés. Rabrouée par sa fille, Claude, qui la qualifia de « ringarde » et de « dépassée » – notamment durant la campagne présidentielle de 1995 –, et acceptant tout de celui qui la désola, elle pouvait, en revanche,

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