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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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les plumes, la laine, autour d’eux… Peu de temps après, le prince fut pris d’une fièvre violente et de vomissements. On a dit qu’il tremblait si fort sur son lit de toile que les montants en fer cliquetaient sans cesse… Dieu merci, on ne laissa pas le Dauphin qui le souhaitait s’approcher du malade.
    Le neuf septembre, si j’ai bonne mémoire, le prince Charles s’éteignit à l’abbaye de Forestmontiers, à une dizaine de lieues de Boulogne où résidaient le Roi et les siens. Il avait vingt-trois ans.
    François I er , vieillissant, qui avait déjà vu mourir quelques années plus tôt son fils aîné, celui qu’il avait formé pour lui succéder et en lequel il plaçait tant d’espérances, fut extrêmement affecté par cette fin soudaine. Le Dauphin également.
    De son côté, Ronsard fut désemparé par une disparition qui lui retirait son protecteur officiel. D’autant qu’il pouvait voir là un singulier acharnement du sort à son endroit. N’avait-il pas d’abord perdu le premier Dauphin, ce François dont il était le page, auprès duquel il avait été à l’école de la courtoisie comme à celle du maniement d’armes ? Et vu s’éteindre aussi sous ses yeux, alors qu’il était auprès d’elle en Écosse, Madame Madeleine, seconde fille du roi, qui avait à son tour choisi Pierre comme page quand elle était devenue par son mariage avec Jacques V reine de ce pays du Nord ?
    François, Madeleine, Charles, les trois enfants royaux auxquels il avait été attaché par les liens du service chevaleresque, étaient morts en pleine jeunesse, le laissant à chaque fois seul devant un cadavre et un avenir détruit.
    Il allait lui falloir chercher un nouveau maître, un nouveau protecteur… C’est alors qu’il décida d’abandonner une carrière de Cour qui se révélait trop incertaine pour se remettre avec courage, en dépit des vingt-deux ans qu’il venait tout juste d’avoir, aux études qu’il aimait.
    Par la suite, il m’a raconté combien il avait l’âme remplie d’amertume en rentrant à Paris au début de l’automne. Privé de nos rencontres, livré à lui-même, délié de tous liens de service, il retourna voir Lazare de Baïf, son ultime recours.
    La ville, à moitié vidée par la crainte de la peste, n’était pas calme pour autant. Des factions rivales la divisaient encore. Les anciens partis du Dauphin et de son frère, bien que décontenancés par une mort qui anéantissait leurs projets, continuaient néanmoins à se provoquer sans cesse.
    Trouver un logis n’était guère facile. On se méfiait de tout le monde.
    De retour du Languedoc où il avait été envoyé en mission par le Roi, Lazare de Baïf accueillit Pierre avec la bonté et la cordialité qui lui étaient propres. Son fils, Jean-Antoine, qui n’avait pourtant que treize ans, mais un esprit fort mûr pour son âge, fit fête au condisciple retrouvé.
    Peu après, autant pour oublier un printemps et un été aventureux que par amour des langues de l’Antiquité, les anciens compagnons se plongèrent de nouveau avec ferveur dans l’étude du grec et du latin.
    Dorat, leur professeur, qui était parti se battre dans l’armée du Dauphin, revint à son tour quand celle-ci fut licenciée. Les trois amis se retrouvèrent au coude à coude, rue des Fossés Saint-Victor, au faubourg Saint-Marcel, comme l’année précédente.
    Pierre éprouvait une grande admiration pour la science de Dorat, plus une profonde amitié pour l’homme. Quand il en parlait c’était toujours avec gratitude et tendresse. Il m’a souvent décrit la transformation qu’apportaient aux rudes traits de ce Limousin d’humble origine la traduction puis la lecture à haute voix des œuvres d’Homère ou de Pindare. Il en était, paraît-il, comme éclairé de l’intérieur.
    Ce fut durant nos rencontres hivernales que Pierre eut l’occasion de me dépeindre sa vie d’étudiant.
    J’avais en effet obtenu comme je l’espérais la permission d’accompagner mes parents à Paris au début de décembre.
    Il a fait grand froid cet hiver-là, tu dois te le rappeler. La neige avait commencé à tomber au début de novembre et le gel avait pris sa suite. Aussi était-ce par de fort mauvais chemins, défoncés, verglacés, que nous avions gagné la capitale.
    Selon notre habitude, nous étions descendus rue des Trois Comètes, chez une tante de ma mère qui se nommait Antoinette Doulcet. Comme tu ne venais pas avec nous, tu

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