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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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en m’annonçant son départ, puis en prenant congé de moi et des miens. Il rejoindrait sans plus tarder la Cour où son ami Car tenait sa place au chaud. Vers la fin de l’été, il regagnerait Paris pour y reprendre ses études.
    Il n’était pas impossible que mes parents aient à se rendre à leur tour dans la capitale où ils séjournaient de temps à autre chez une parente quand mon père était appelé en consultation par la Dauphine ou que ses affaires l’y réclamaient. Je ferais en sorte de me joindre à eux. Personne alors ne m’empêcherait de rencontrer mon poète au milieu de l’agitation de la grand-ville.
    Quelques jours après notre séparation, ma mère, qui réalisait toujours ce qu’elle avait projeté, m’informa qu’elle avait convié le ban et l’arrière-ban de nos relations dans la province. Il s’agissait d’une fête traditionnelle à laquelle elle entendait donner beaucoup d’éclat. Nous célébrerions la Saint-Jean d’été comme on ne l’avait encore jamais fait à Talcy.
    — En plus de vos amis habituels, vous y rencontrerez, ma fille, un certain nombre de nouveaux venus parmi lesquels vous n’aurez qu’à élire un autre chevalier servant, me dit-elle avec ce mélange de sens pratique et de goût pour le protocole qui me déconcertait toujours un peu. Je suis certaine que vous n’aurez que l’embarras du choix.
    C’est ainsi que je me retrouvai, deux mois presque jour pour jour après le bal de Blois, sous le plafond à caissons de notre grande salle décorée de fleurs et de guirlandes, dansant à nouveau parmi une foule joyeuse. Les accords des violes, harpes, luths et hautbois, le doux crissement de la soie froissée, les rires, les galanteries, les lourds parfums de poudre de Chypre, d’ambre gris, de musc, m’entêtaient un peu, mais ne me faisaient pas oublier pour autant une nuit avrileuse dont le souvenir me poursuivait…
    Pierre n’étant plus à mes côtés pour me parler du sentiment brûlant que ma vue avait allumé en lui, les propos convenus de mes danseurs me semblaient bien fades.
    C’est alors que Jacques de Cintré, qui aimait à jouer auprès de moi les grands frères protecteurs, jugea bon de me présenter un autre de ses cousins, également allié aux Ronsard.
    Il s’agissait d’un jeune homme vêtu avec cette élégance et même cette recherche toute particulière que les hommes arboraient en France depuis qu’ils avaient ramené d’Italie en plus des peintres et des architectes, d’autres artistes : les tailleurs.
    Un pourpoint de damas mordoré à crevés de satin blanc laissait voir, auprès du cou, une chemise de soie brodée d’or. En toile d’argent, ajustés, tailladés, les hauts-de-chausses en tonnelet étaient surmontés d’une trousse bouffante à bandes de velours incarnat. Suivant les canons de la mode germanique, une braguette très proéminente, rembourrée et couverte de broderie, affirmait la virilité de son propriétaire. Un chapeau plat, garni d’une plume blanche et clouté d’orfèvrerie ainsi que d’une enseigne, coiffait des traits assez beaux mais un peu mous à mon gré. Plusieurs bagues de prix, une chaîne d’or ouvragée, complétaient la tenue du nouveau venu.
    Vois-tu, Guillemine, durant cette première entrevue, ce sont les vêtements et non l’homme qui ont retenu mon attention.
    — Cassandre, je vous présente Jean de Peigné, seigneur de Pray, dit Jacques, toujours jovial. Il danse à ravir et possède l’oreille la plus juste que je connaisse.
    Laissant apercevoir une denture parfaite entre la fine moustache et la barbe soignée, un sourire où la satisfaction s’atténuait d’une lueur d’amusement naquit sur les lèvres du seigneur de Pray. Je rencontrai son regard caressant et indifférent à la fois.
    — Il est trop beau pour être vrai, n’est-ce pas, ma mignonne ? C’est un piège à filles que ce garçon-là ! s’écria soudain près de nous la voix de Gabrielle qui venait de quitter un cavalier sans doute trop familier pour se rapprocher de notre groupe. Permettez-moi, Jean, de parler franchement. Je suis ainsi faite que je ne sais pas déguiser ma pensée ni contenir mon enthousiasme !
    Paillarde, une lueur s’alluma dans les prunelles froides.
    — Soyez assurée, belle dame, que je sais apprécier en connaisseur de tels compliments, affirma Jean de Pray d’une voix qui faisait un sort à toutes les dentales et représentait à la Cour le fin du fin de la

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