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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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m’écriai-je. Elle me protège des tentations. Mes parents, d’ailleurs respectent ma liberté. Ils ne sont pas de ceux qui disent vouloir abolir la loi de nos ancêtres, autorisant les enfants à se marier sans le consentement de leur famille. Je suis certaine qu’ils ne me forceront jamais à prendre un époux contre mon gré.
    Ronsard soupira, croisa les bras sur sa poitrine. Lui qui pouvait être si gai connaissait également des moments d’âpre mélancolie.
    Je m’assis sur une chaise, près de lui.
    — Vous ne résisterez pas toujours aux sollicitations, reprit-il sombrement. C’est de vous-même que viendra l’acquiescement final.
    — Je ne céderai pas ! Je l’ai juré !
    — Vous n’auriez pas besoin d’un tel serment si vous m’aimiez, si vous étiez à moi !
    Il mit un genou en terre contre mon siège, posa le front sur mes genoux. Je lui caressai les cheveux avec douceur…
    — Je souhaiterais passer ma vie ainsi, à vos pieds, murmura-t-il. Il n’y a que là que je me sens bien !
    Un moment s’écoula. Si tendre…
    Le claquement d’une porte au rez-de-chaussée m’alerta.
    Je pris le visage de Pierre entre mes mains, le considérai longuement, amoureusement… oui, amoureusement. À ce moment de notre histoire, je n’étais encore amoureuse que de l’amour qu’il me portait, mais c’était quand même un commencement.
    — Gabrielle de Cintré réside pour le moment à Paris dans le bel hôtel qu’elle s’est fait offrir par son vieux mari rue des Petits-Champs. Elle y passe durant l’hiver des heures très agréables en l’absence du pauvre Gaspard retenu en province. Rendez-vous chez elle demain, sous prétexte de venir la saluer. J’y serai à deux heures de l’après-dîner.
    — J’aurais préféré vous retrouver ailleurs que sous son toit.
    — Moi aussi. Mais c’est impossible. Vous savez que je lui en veux tout autant que vous des révélations qu’elle a jugé bon de faire à mes parents, mais, chez elle, nous pourrons nous isoler dans la foule. Il y a toujours beaucoup de monde.
    Je me dirigeai vers la porte.
    — Cassandre !
    D’un bond, il m’avait rejointe, m’avait reprise contre lui.
    — À peine vous ai-je retrouvée qu’il me faut vous perdre à nouveau, gronda-t-il. Je ne puis supporter l’idée de vous voir repartir.
    Ses baisers me bâillonnèrent. Quand je repris mon souffle, j’entendis des pas qui montaient l’escalier. Je m’arrachai à ses bras.
    — Je vous attendrai chez Gabrielle.
    La porte s’ouvrit. Un jeune garçon entra.
    Membres grêles, mais nerveux, yeux bruns enfoncés sous l’arcade sourcilière, air timide et pourtant passionné, le nouveau venu n’avait pas plus de treize à quatorze ans. Il était surtout remarquable par un front immense qui semblait attirer la lumière.
    — Cassandre, voici Jean-Antoine de Baïf, mon condisciple, mon ami, déclara Pierre. Nous travaillons ensemble.
    Je ne sais plus ce que je dis à l’adolescent et me sauvai.
    Dehors, l’air froid me gifla, me transperça. Je grimpai en hâte dans la litière où ma petite servante dormait sous une couverture de fourrure.
    — Vite, à la maison !
    Heureusement pour moi, mes parents n’étaient pas encore rentrés quand je parvins rue des Trois-Comètes. Je demandai à ma grand-tante de taire mon escapade. D’un air complice et nostalgique à la fois, elle me promit de n’en rien dire.
    Le lendemain, il faisait encore plus froid. Des piques de glace pendaient des toits, scintillaient au pâle soleil d’hiver le long des rues que nous suivions, tante Antoinette, ma mère et moi, pour nous rendre à l’hôtel de Cintré.
    Cette opulente demeure offrait au regard une façade richement sculptée, un portail en plein cintre encadré de piliers doriques.
    Dans le grand vestibule décoré de statues à l’antique, plusieurs laquais attendaient. L’un d’eux nous guida vers la salle où la maîtresse de maison recevait.
    Gabrielle, plus provocante que jamais dans ses atours garnis de retroussis de martre, trônait près d’une cheminée monumentale de marbre gris où brûlaient deux troncs d’arbres entiers. Autour d’elle, se pressait une cour de jeunes gens parfumés et revêtus de chamarres brodées, surbrodées, avec des manches fendues jusqu’en haut, retenues de place en place par des bijoux étincelants. Les dames de ses relations qu’il lui fallait bien recevoir aussi pour faire taire les mauvaises langues, se

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