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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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mon mari.
    — Vous êtes bien jolie, ce soir, ma chère, me dit justement celui-ci. Les fêtes vous vont à ravir. Permettez-moi de monter dans votre appartement avec vous.
    — Je suis peut-être en beauté, mais n’en suis pas moins lasse après une pareille soirée. Je préférerais, mon ami, remettre à une autre fois votre visite.
    Jean fit une grimace qui déforma un instant la parfaite ordonnance de ses traits.
    — C’est à croire que j’ai épousé une béguine ! grommela-t-il d’un air maussade. Les autres femmes que j’ai l’occasion d’approcher ne font pas tant de manières !
    — Je ne vous empêche en aucune façon « d’approcher » toutes celles que vous voudrez, dis-je avec une désinvolture née de mon ravissement intime. Je vous y inciterais même plutôt. Vous n’êtes pas sans le savoir !
    Il haussa les épaules avant de s’éloigner avec mauvaise humeur.
    Mais je me souciais de son humeur comme d’une guigne ! En regagnant ma chambre, j’éprouvais une sorte de jubilation secrète qui m’était délivrance.
    Ne va pas croire, Guillemine, que j’envisageais pour autant de faillir à mon devoir en trompant mon époux. Tu te tromperais du tout au tout. Je souhaitais simplement me réchauffer le cœur à un foyer dont je connaissais le rayonnement. Je désirais de toutes mes forces éclairer ma vie au reflet de cette flamme…
    Je savais que Ronsard allait, d’une manière ou d’une autre, s’arranger pour venir nous voir. Il résidait pour un bref séjour à la Possonnière, chez son frère Claude. J’étais certaine qu’il ne tarderait pas.
    Le surlendemain, il se présenta à notre porte.
    Jean étant au logis, nous en fûmes de nouveau réduits au langage des yeux. Langage cependant assez éloquent pour répondre au tourbillon de pensées, de souhaits, de questions qui m’agitait.
    En dépit de ma trahison, Pierre m’aimait. Cette constatation suffisait. Lentement, comme une frileuse plante de l’ombre qui tend ses pousses vers la lumière, une attirance obstinée se déployait en moi. Plus solide, mieux enraciné que l’attrait juvénile ressenti pour lui avant mon mariage, ce renouveau tirait sa force même de la situation inédite dans laquelle je me trouvais. Du temps que j’étais une vierge à marier, Ronsard pouvait me plaire, pourtant je savais d’instinct que suivre ce penchant signifiait aventure, déshonneur, perdition. À présent, plus rien n’était semblable. En puissance de mari, je ne craignais plus ces périls. Si la prudence demeurait de mise, je pouvais cultiver à l’abri de mon état de femme une nouvelle forme d’attachement dont je n’avais plus à redouter qu’il m’entraînât vers l’abîme.
    La présence de Jean interdisait toute chute mais permettait un jeu plus subtil, plus varié aussi. J’entendais bien que l’aspect charnel restât écarté de nos rapports dont l’intensité ne pourrait que gagner à cet état de choses.
    Durant les deux années qui suivirent, et bien qu’il continuât à étudier sous Dorat au collège Coqueret à Paris, Pierre trouva le moyen d’accomplir plusieurs voyages en Vendômois. Son frère et sa belle-sœur le recevaient bien volontiers dans la demeure familiale. Il venait donc aussi souvent qu’il le pouvait nous rendre visite, en dépit des quelque neuf lieues séparant Couture de Pray.
    Mais nous n’étions jamais seuls.
    Jean se déplaçait peu à cette époque. Aimant recevoir, il invitait à tour de rôle ses frères et sœurs, ses cousins, ma propre famille, nos amis, nos voisins. Nous ne manquions pas de commensaux qui se trouvaient sans cesse entre Ronsard et moi. Il fallait ruser pour arracher de courts instants de tête-à-tête à la nuée de gens dont nous étions accablés.
    Pierre adorait la musique. Il ne concevait pas de composer des vers sans prévoir leur accompagnement. S’il me demandait de jouer pour lui du luth ou du violon, ce tout nouvel instrument italien dont la pureté de cristal nous remplissait alors d’émerveillement, d’autres auditeurs ne manquaient pas de m’écouter en même temps que lui.
    Si nous profitions d’une belle journée pour jouer à quelques jeux de plein air, comme les barres ou les fléchettes, des coéquipiers nombreux se proposaient aussitôt pour étoffer la partie.
    Si nous chassions à courre dans les forêts du voisinage, nous ne pouvions tenter de nous éloigner des chasseurs sans en retrouver postés sur notre

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