Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
Vom Netzwerk:
chemin !
    Un jour, pourtant, il advint par chance que nos chevaux nous conduisirent loin de l’équipage. Sans trop oser croire à la réalité d’une pareille aubaine, Pierre et moi chevauchâmes un moment l’un près de l’autre le long d’un layon. Je montais en amazone. En ce temps-là, c’était encore une nouveauté. Tu sais combien j’aime la chasse à courre. Aussi ai-je tout de suite apprécié cette mode introduite dans notre pays par Catherine de Médicis. Elle permet de galoper sans crainte de choir puisqu’une jambe passée au-dessus de l’arçon retient la cavalière.
    Personne en vue. On n’entendait que les sabots de nos chevaux et le chant des oiseaux. Notre trouble était si profond que nous restâmes un long moment silencieux, intimidés tous deux par la solitude soudaine ainsi que par la trop belle occasion qui s’offrait à nous.
    Comme nous traversions un taillis des plus touffus, une ronce me griffa assez douloureusement le poignet, au-dessus du gant. Un peu de sang perla. Pour éviter qu’il ne tachât ma robe à chevaucher de velours isabelle, je secouai la main. Quelques gouttes s’éparpillèrent sur le sol. Pierre déclara aussitôt qu’il aurait désiré en baiser la trace sur l’herbe du chemin et qu’il était certain que des fleurs vermeilles naîtraient en cet endroit pour prolonger le souvenir de mon sang répandu.
    — J’en veux faire un poème, dit-il après avoir posé ses lèvres sur l’éraflure. Je donnerai un nom à ces fleurs nées de vous. Je les nommerai Cassandrette…
    Plus tard, je devais me souvenir de ce nom-là…
    Une autre fois, j’assistai à un entraînement à la pique dans la salle d’armes du château.
    J’ai pensé depuis que Pierre avait prémédité une maladresse afin de se faire faire une estafilade par Ambroise, le plus jeune frère de Jean, grand et lourd garçon qui était en réalité beaucoup moins adroit que l’ancien écuyer des Tournelles. Quoi qu’il en fût, alors qu’ils croisaient leurs piques, un coup atteignit Ronsard au coude. Le sang rougit la chemise blanche que Pierre portait sur des hauts-de-chausses de velours noir.
    Je m’écriai qu’il fallait tout arrêter et soigner une blessure qui pouvait s’infecter. Les deux combattants en convinrent, mirent fin à l’engagement et se séparèrent.
    D’autres adversaires les remplacèrent sans tarder.
    Retirés dans un coin de la vaste salle voûtée, nous eûmes, Pierre et moi, un moment de paix. Une cassette à remèdes sur les genoux, je fis asseoir le blessé près de moi. Placée contre le mur du fond, une banquette à haut dossier permettait l’isolement.
    — Vous saignez beaucoup, constatai-je en étanchant à l’aide de charpie la plaie qui n’était guère profonde.
    — Cette entaille est peu de chose en comparaison de celle que je porte au cœur ! soupira Ronsard. Si seulement vous consentiez à soigner l’une comme vous faites de l’autre !
    Depuis nos retrouvailles, c’était la première fois qu’il me parlait ouvertement de sa douleur. Au contact de mes doigts sur son bras, je l’avais senti tressaillir. Le bref moment d’intimité qu’il avait sans doute provoqué devait lui causer un émoi trop vif pour qu’il parvînt à le maîtriser.
    — Vous savez bien que mes sentiments répondent aux vôtres, murmurai-je tout en étendant sur la blessure un baume à base de térébenthine de Venise dont je savais qu’il la cicatriserait.
    — Vous m’avez si durement traité, Cassandre, si cruellement rejeté !
    — C’était dans un autre temps. Il est à présent révolu. Je suis différente, croyez-moi, monsieur mon poète, et bien décidée à me comporter envers vous avec davantage d’attentions.
    — Je ne demanderais qu’à vous croire, mais le puis-je ? Vos yeux me sont doux, il est vrai, mais vous demeurez celle qu’on ne peut atteindre. Pourquoi, pourquoi, mordieu, avoir épousé Jean ?
    J’enroulai avec précaution une bande de toile autour du bras douloureux.
    — Ne revenons pas sur le passé, dis-je. Pensons à l’avenir. Envoyez-moi encore de vos poèmes comme vous le faites depuis que nous nous sommes revus. À travers eux je respire votre souffle, je communie avec vous dans une même ferveur.
    Il posa sa main libre sur un de mes genoux.
    — Mes vers ne font que dire et redire ce qui m’habite, ce qui me brûle, ce qui me hante : la passion sans merci qui me dévore !
    — Avant de vous retrouver à

Weitere Kostenlose Bücher