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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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sourire de Pardaillan et il avait parfaitement
compris à quel mobile il obéissait en paraissant ne pas le
connaître. Seulement, tandis que Pardaillan se disait : Ne
perdons pas ce pauvre petit bougre par une marque de sympathie, le
nain de son côté se disait : N’ayons pas l’air de le
connaître. Tiens ! on ne peut pas savoir, moi libre, je
pourrai peut-être lui être utile.
    Ainsi la même pensée de désintéressement se manifestait en même
temps chez ces deux hommes, véritables antithèses vivantes. Qu’on
aille s’étonner, après cela, de la sympathie subite qui avait
attiré cette force qu’était Pardaillan vers cette faiblesse que
représentait le Chico.
    Donc le nain comprit parfaitement la signification du coup d’œil
de Pardaillan qui criait :
    – Don César est-il sauf ?
    Dans le même langage muet il répondit à l’instant et il fut
compris comme il avait compris lui-même.
    La tête était la seule partie de son corps qu’il pouvait remuer
à son aise, attendu qu’il n’avait pas été possible de l’enchaîner
comme le reste. Pardaillan manifesta donc sa satisfaction par un
imperceptible signe de tête et il passa de ce pas lourd, lent et
maladroit que lui imposaient ses entraves.
    Il s’aperçut alors que le Chico, favorisé par l’exiguïté de sa
taille, se faufilait parmi les soldats, d’ailleurs indifférents,
s’attachait obstinément à ses pas et trouvait moyen de marcher à sa
hauteur, comme s’il avait eu quelque chose à lui communiquer.
    Si Pardaillan était la force et la bravoure personnifiées, il
était aussi intelligence et la bonté. C’était un grand sentimental
et un solitaire, qui, sa vie durant, n’avait jamais compté que sur
lui-même pour se tirer d’affaire, et qui y avait bien réussi
jusque-là, donnant ainsi un éclatant démenti aux paroles de
l’Ecclésiaste :
Vae soli !
C’était un simple qui
suivait son chemin tout droit.
    S’il rencontrait sur sa route un faible ou un malheureux, son
premier mouvement était de lui tendre une main secourable, sans se
soucier des conséquences que ce geste pouvait avoir pour lui.
    S’il rencontrait un fauve – et il en avait rencontré – il se
contentait de s’écarter. Non par dédain ou prudence, mais par
insouciance. Si le fauve lui montrait les crocs, dame alors,
Pardaillan exhibait les siens, et provoqué il ne lâchait plus
prise. Si le fauve s’attaquait lâchement à plus faible que lui,
Pardaillan n’attendait pas alors la provocation et ne savait pas
résister à la tentation de s’interposer, s’exposant lui-même pour
défendre un inconnu.
    Bien des gens réputés braves et raisonnables eussent estimé que
c’était le moment ou jamais de s’écarter. Pardaillan pensait
autrement.
    Ceci est pour dire que précisément parce qu’il avait conscience
de sa force, précisément parce qu’il était toujours maître de lui
et habitué à ne compter que sur lui, le grand sentimental qu’il
était ne pouvait être insensible à une marque d’amitié ou de
dévouement, bien qu’il eût une manière à lui de marquer ses
sentiments qui pouvait passer aux yeux de ceux qui ne le
connaissaient pas pour de la raideur et de l’orgueil.
    L’humble geste de cette faiblesse, représentée par le nain
Chico, se dévouant naïvement à cette force, représentée par
Pardaillan, l’émut, le remua jusqu’au fond des entrailles.
    Il remarqua alors que le nain serrait dans son poing crispé le
manche de sa minuscule dague et qu’il jetait sur les hommes de son
escorte des regards chargés de colère qui les eussent
infailliblement jetés bas s’ils avaient été des pistolets. Il ne
put s’empêcher de penser à part lui :
    « Ah ! le brave petit homme. Si sa force égalait sa
bravoure et sa volonté, comme il chargerait ces soldats à qui l’on
fait jouer un si triste rôle ! »
    Et il souriait doucement, chaudement réconforté par cette amitié
sincère qui se manifestait en un moment si critique pour lui. Et
son naturel railleur et enjoué reprenant le dessus, comme si le
nain eût été à même de l’entendre, il ajoutait en jetant un coup
d’œil narquois à la dague, guère plus grande qu’une aiguille à
tricoter :
    – Laisse ton aiguille ! Vois-tu, petit, ils sont
trop !
    Ceci visait l’escorte formidable qui l’encadrait.
    Cependant, il se trouvait maintenant devant la grande porte du
couvent. Porte monumentale, massive, rébarbative, pesante,
sournoise

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