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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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un vrai homme
qui pouvait devenir son maître.
    Tout ceci, exagéré et embelli par son imagination, faisait que
le Chico lui apparaissait maintenant comme une manière de
héros.
    Elle ne doutait pas qu’il ne réussît à sauver une fois encore
celui qu’il appelait son grand ami. Et plus le nain grandissait
dans son esprit, plus elle sentait l’appréhension l’envahir. Elle
qui jusqu’à ce jour s’était crue bien supérieure à lui, elle qui
l’avait toujours dominé, elle courbait la tête, et dans une
humilité sincère, étreinte par les affres du doute, elle se
demandait si elle était digne de lui.
    Au moment où elle reconnaissait sa supériorité intellectuelle,
elle éprouvait un déchirement douloureux en voyant que lui, dont
elle se croyait si sûre, il paraissait se détacher d’elle, car
comment expliquer autrement qu’il eût résisté à toutes ses avances,
qu’il ne parut prêter aucune attention à sa personne. Comme elle
était excessive en tout, elle se disait :
    – Certainement, il se rend compte de sa valeur. Que suis-je
pour lui, comparée à ces nobles dames qui lui faisaient les yeux
doux ? Une petite fille insignifiante, qui ne mérite pas autre
chose que le dédain. Il ne m’aime plus, c’est certain… si tant est
qu’il m’ait jamais aimée.
    Et par un revirement naturel, plus elle croyait sentir qu’il lui
échappait, et plus elle tenait à lui, plus elle s’apercevait avec
effroi qu’il tenait dans son cœur une place plus considérable
qu’elle n’avait cru.
    Cet état d’esprit chez elle, cette résolution ferme où il était
de ne se laisser distraire en rien dans les combinaisons qu’il
échafaudait pour la délivrance de son ami français, amenèrent un
changement radical dans leurs attitudes respectives.
    C’était elle qui, maintenant, tremblait et rougissait, elle,
dont les yeux suppliants semblaient mendier un mot doux, une
caresse, elle qui se montrait douce, soumise et résignée ; lui
qui, en apparence, se montrait indifférent, très calme, très maître
de soi et qui donnait là une preuve d’énergie extraordinaire dans
un si petit corps, car son cœur battait à se rompre dans sa
poitrine, et il avait des envies folles de se jeter à ses pieds, de
baiser ses mains de patricienne, fines et blanches, qui semblaient
appeler ses lèvres.
    Aussi, à l’avertissement charitable qu’il lui donnait, bien
persuadée, d’ailleurs, qu’il était de force à surmonter tous les
obstacles, avec un regard voilé de tendresse, avec un sourire à la
fois soumis et provocant, elle répondit, sans hésiter :
    – Puisque tu risques la torture, je la veux risquer avec
toi.
    Ayant dit ces mots, elle rougit. Dans son idée, il lui semblait
qu’on ne pouvait pas dire plus clairement : Je t’aime assez
pour braver même la torture, si c’est avec toi.
    Malheureusement, il était dit que le malentendu se prolongerait
entre eux et les séparerait implacablement. Le Chico
traduisit : « J’aime le sire de Pardaillan assez pour
risquer la torture pour lui. » Il sentit, son cœur se serrer
et il se raidit pour ne pas laisser voir la douleur qui le
tenaillait tandis qu’il clamait dans sa pensée :
    « Elle l’aime toujours, d’un amour qui n’a rien de
fraternel quoi qu’elle en dise. Allons, c’est dit, je tenterai
l’impossible, et du diable si je n’y laisse ma peau. Aussi bien la
vie m’est-elle insupportable. Mais toi, du moins Juana, tu ne seras
pas exposée, et tu ne sauras jamais combien le Chico
t’aimait. »
    Et tout haut, d’une voix qui tremblait un peu, avec une grande
douceur et reprenant ses propres paroles :
    – Que t’a-t-il donc fait que tu lui es si
dévouée ?
    Et l’horrible malentendu s’accentua encore.
    Elle eut une lueur de triomphe dans son œil doux. Le Chico était
jaloux, donc il l’aimait encore. Sotte qui s’était fait tant de
mauvais sang ! Alors, avec un sourire malicieux, croyant
l’amener à se déclarer enfin, elle minauda :
    – Il m’a dit des choses… des choses que nul ne m’avait
jamais dites avant lui.
    À son tour, elle reprenait les propres paroles du Chico, et elle
les disait en badinant, croyant faire une plaisanterie et exciter
sa jalousie.
    Le nain comprit autre chose.
    Pardaillan lui avait dit et répété :
    – Je n’aime pas et je n’aimerai jamais ta Juana. Mon cœur
est mort, il y a longtemps.
    Il avait encore dans l’oreille le ton douloureux sur lequel

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