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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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frère eussent fait tomber ce
doute.
    Malheureusement pour lui, influencé sans doute par ce qu’il
avait accoutumé d’entendre sur son compte, vivant sans cesse dans
la solitude, il s’exagérait outre mesure son infériorité
physique.
    Tout ce que Pardaillan avait pu lui dire sur ce sujet n’était
pas parvenu à l’ébranler. Il restait immuablement convaincu que
jamais aucune femme, fût-elle petite et mignonne comme Juana, ne
voudrait de lui pour époux.
    Ayant cette idée bien ancrée dans la tête, pour qu’il osât
avouer son amour, il eût fallu qu’il fût sur le point
d’expirer ; ou bien que Juana elle-même, renversant les rôles,
parlât la première. Mais ceci n’arriverait jamais, n’est-ce
pas ? Il savait bien que Juana ne l’aimait que comme un frère.
Celui qu’elle aimait, quoi qu’elle en dît, c’était Pardaillan.
    De même que lui savait que Juana ne serait jamais à lui, elle
devait savoir, elle, qu’elle ne serait jamais à Pardaillan. Ce
n’était pas au moment où il pensait qu’elle devait éprouver une
peine affreuse qu’il trouverait le courage de dire ce qu’il n’avait
jamais osé dire jusqu’à ce jour. De là cette réserve excessive que
Juana prenait pour de la froideur et de l’indifférence.
    D’autre part, il pensait que le meilleur moyen de témoigner son
amour était de ne paraître s’occuper que de Pardaillan, à qui, sans
nul doute, elle pensait exclusivement. Et comme sur ce point il
était en outre poussé par son amitié ardente, il n’avait pas
beaucoup de peine à rester dans le rôle qu’il s’était dicté. De là
son insistance à ne parler que de Pardaillan, insistance qui
exaspérait la jeune fille, malgré ses sentiments. De là cette
assurance qu’il prenait pour de l’audace.
    Du côté de Juana les choses s’embrouillaient davantage en ce
sens que, femme, elle était plus complexe, accessible à des
sentiments contradictoires qu’elle-même ne parvenait pas à
concilier, qui la tiraillaient en des sens opposés, sans qu’il lui
fût possible de prendre une détermination ferme, attendu qu’elle ne
se rendait pas parfaitement compte de ce qu’elle éprouvait et ne
savait pas au juste ce qu’elle voulait.
    Nous avons expliqué dans un précédent chapitre que son cœur
hésitait entre Pardaillan et le Chico. L’entretien qu’elle avait eu
avec Pardaillan avait fait pencher la balance en faveur de son
petit compagnon d’enfance.
    Consciente de la distance qui la séparait de Pardaillan, ramenée
au sens de la réalité par des paroles douces, mais fermes, éclairée
par la logique d’un raisonnement serré, elle avait compris qu’il
lui fallait renoncer à un rêve chimérique. Son amour pour
Pardaillan n’avait pas encore des racines telles qu’elle ne pût
l’extirper sans trop de douleur. Elle s’était résignée.
    Forcément elle devait se tourner vers le Chico. Elle le devait
d’autant plus que Pardaillan, qu’elle admirait déjà, par quelques
confidences discrètes et avec ce tact qu’il puisait dans la bonté
de son cœur, avait su lui imposer un sentiment respectueux qu’elle
ignorait avant.
    Or, Pardaillan, qu’elle respectait et admirait, lui avait dit le
plus grand bien du Chico. Or, elle savait qu’un tel homme
n’adressait pas un compliment qui ne fût pleinement mérité. De ceci
il était résulté que si Pardaillan avait gagné son respect, les
affaires amoureuses du nain, grâce à lui, avaient fait un progrès
considérable.
    En réalité, elle aimait le nain plus qu’elle ne le croyait. Mais
son amour n’était pas encore assez violent pour l’amener à fouler
aux pieds la pudeur de la jeune fille en la faisant parler la
première. Mettre tout en œuvre pour lui arracher sa timidité, oui.
Parler elle-même, cela non, elle ne le pouvait pas… pas encore du
moins.
    Or, avec un timide de la force du Chico, elle n’avait pas
d’autre alternative pour liquider la question. S’il avait fait une
partie du chemin, s’il l’avait bercée de mots doux comme il en
trouvait parfois, s’il avait eu cette attitude et ces caresses
chastes qui troublent néanmoins, peut-être il eût pu l’affoler au
point de lui faire oublier sa retenue.
    Mais voilà que par malheur le Chico s’avisait, bien mal à
propos, de résister à toutes ses avances et de se tenir sur une
réserve qui pouvait lui paraître de la froideur. Alors qu’elle eût
voulu ne parler que d’eux-mêmes, voilà qu’il ne

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