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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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ne
recevait le jour que par la porte qui venait de s’ouvrir.
    Les murs de la cellule étaient blanchis à la chaux, le sol était
recouvert de dalles blanches. Tout autour couraient de petites
rigoles destinées à l’écoulement des eaux. Mais quelles eaux,
puisqu’il n’y avait rien là dedans ?
    Par-ci, par-là, sur les murs, des tâches brunâtres, suspectes.
Sur les dalles, des petites flaques de même teinte et de même
apparence. C’était froid et sinistre, sinistre surtout. Qu’était-ce
donc que cette cellule ? Un cachot ? Une tombe ?
Quoi ?…
    Et cependant, ce lieu qui suintait l’horreur était habité. Et
voici ce que les yeux exorbités de Pardaillan virent :
    Au milieu de la pièce, face à la porte qui venait de s’ouvrir
toute grande, un homme – une loque humaine – était solidement
attaché sur une sorte de chaise de bois dont les pieds étaient
rivés au sol par de solides crampons de fer.
    Les jambes de l’homme étaient enchaînées aux pieds de la
chaise ; son buste était maintenu droit contre le dossier de
bois par une infinité de cordes ; la tête, maintenue par un
carcan de fer, ne pouvait pas faire un mouvement ; presque
sous le menton, une épaisse traverse de bois, percée de deux trous,
pressait la poitrine de l’homme, et dans ces deux trous, ses mains
emprisonnées pendaient mollement.
    À côté du patient, un moine robuste, le froc relevé jusqu’à la
ceinture, les larges manches retroussées laissant nus des biceps
puissants, maniait de ses pattes énormes de minuscules et bizarres
instruments qu’il examinait attentivement sans paraître se soucier
le moins du monde de la victime qui, les traits contractés par
l’horreur et l’angoisse, le regardait faire avec des yeux où
luisait une épouvante qui confinait à la folie.
    Le moine obéissait sans doute à des ordres préalablement donnés,
car, sans jeter un coup d’œil sur les spectateurs de cette scène
fantastique, il se mit à l’œuvre dès qu’il eut terminé l’inspection
de ses instruments.
    Il saisit le pouce du condamné dans une petite pince qu’il avait
prise. Aussitôt, malgré les liens qui l’enserraient de toutes
parts, l’homme eut une secousse terrible, à faire croire qu’il
allait briser ses cordes ; en même temps un hurlement long,
lugubre, terrifiant, s’échappa de ses lèvres contractées.
    Le moine, impassible, secoua son outil. Quelque chose de blanc
et de rouge tomba sur les dalles, tandis que, du bout du doigt
qu’il venait de lâcher, une petite pluie rouge tombait goutte à
goutte sur le sol et l’ensanglantait : le moine venait
d’arracher l’ongle. Posément, méthodiquement, avec une lenteur
effroyable, le moine bourreau saisit l’index comme il avait saisi
le pouce. Le supplicié se tordit comme un ver, une expression de
souffrance atroce s’étendit sur sa face convulsée ; le même
hurlement qui n’avait plus rien d’humain se fit entendre à nouveau,
suivi de la même petite pluie sanglante, du même geste indifférent
du bourreau jetant négligemment à terre l’ongle auquel adhéraient
des lambeaux de chair.
    Au troisième doigt, l’homme s’évanouit. Alors le bourreau
s’arrêta. Il prit dans une trousse posée à terre différents
ingrédients, apportés pour ce cas prévu, et se mit, non pas à
panser les plaies affreuses qu’il venait de faire, mais à rappeler
l’homme à lui avec le même soin, la même froide impassibilité qu’il
avait mis à le torturer.
    Quand le malheureux, sous l’action des remèdes énergiques qui
lui étaient administrés, reprit ses sens, le moine replaça
soigneusement ses ingrédients à leur place, reprit ses outils et
recommença son horrible besogne.
    Pardaillan, livide, les ongles incrustés dans la paume des mains
pour ne pas crier son horreur et son dégoût, Pardaillan, se
demandant s’il n’était pas en proie à quelque hideux cauchemar,
remué d’une pitié immense, sentant son cœur se soulever
d’indignation, dut assister, impuissant, à cette scène atroce.
    Lorsque le cinquième ongle tomba, les hurlements du patient
s’étaient changés en râles étouffés, et le bourreau, toujours
effroyablement insensible et méthodique, se disposait à passer à la
deuxième main.
    – Horrible ! horrible ! murmura le chevalier,
malgré lui, sans savoir ce qu’il disait, peut-être.
    Froidement, d’Espinosa formula :
    – Ceci n’est rien !… Passons !
    Et ils passèrent en

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