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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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qu’il ne vit pas. Elle était
patiente, Fausta ; c’était ce qui la faisait si forte et si
redoutable. Elle n’insista pas. Elle venait de semer la graine de
mort, il fallait la laisser germer.
    De sa voix douce, caressante :
    – Avant de venger votre mère, il faut vous défendre
vous-même. N’oubliez pas que vous êtes menacé. Votre vie ne tient
qu’à un fil.
    – Mon père est donc un bien puissant personnage ? fit
amèrement le Torero, qui se souvint alors des
« monseigneur » que lui avait prodigués l’intendant de
cette princesse qui voulait bien s’intéresser à lui.
    – Puissant au-dessus de tout, répondit évasivement
Fausta.
    Dans l’état d’esprit où il se trouvait, le Torero n’attacha
qu’une médiocre importance à ces paroles.
    – Madame, dit-il en regardant Fausta en face, j’ignore à
quel mobile vous obéissez en me disant les choses terribles que
vous venez de me dévoiler.
    – Je vous l’ai dit, monsieur, j’ai obéi d’abord à un simple
sentiment d’humanité. Depuis que je vous ai vu, je n’ai pas de
raison de vous cacher que vous m’avez été sympathique. C’est à
cette sympathie désintéressée, croyez-le, que vous devez le vif
intérêt que je vous porte et que vous méritez. Je n’ai pas été
longue à deviner que vous étiez une noble nature, monsieur.
    Le Torero s’inclina profondément trop troublé d’ailleurs pour
remarquer ce qu’il pouvait y avoir d’étrange, d’audacieux, dans les
paroles de la princesse.
    – Je ne doute pas de la pureté de vos intentions, à Dieu ne
plaise ! madame. Mais ce que vous venez de me révéler est si
extraordinaire, si incroyable que – excusez-moi, madame – à moins
de preuves palpables, indéniables, je ne saurais y croire.
    – Je vous comprends, monsieur, et je vous approuve, dit
vivement Fausta. Je n’ai rien avancé que je ne sois en état de
prouver d’irréfutable manière.
    – Et vous me fournirez ces preuves ?
    – Oui, dit nettement Fausta.
    – Vous me nommerez mon… père ?
    – Oui !
    – Quand ? madame.
    – Je ne puis dire encore :… Dans un instant peut-être.
Peut-être dans quelques jours seulement…
    – Bien, madame, je prends acte de votre promesse, et quoi
qu’il advienne, soyez assurée de ma reconnaissance, ma vie vous
appartient… : Vous pouvez en disposer ; à votre
gré !
    – Il s’agit d’abord de la préserver, votre vie, dit Fausta
avec un gracieux sourire.
    – C’est ce que je m’efforcerai de faire, madame. Et tenez
pour certain qu’on ne me réduira pas aisément, si puissant qu’on
soit.
    « On » voulait dire son père.
    – Je le crois aussi, dit Fausta d’un air entendu.
    – Mais, reprit le Torero, pour me défendre il est certaines
choses que j’ai besoin de savoir ou de comprendre. Me
permettez-vous de vous poser quelques questions ?
    – Faites, monsieur, et si je le puis, j’y répondrai en
toute sincérité.
    – Eh bien, donc, madame… comment, en quoi la jeune fille
dont nous parlions tout à l’heure, la Giralda en un mot et pour la
nommer, pourrait-elle être la cause de ma mort ?
    – À ce moment, les clameurs, les hurlements, les chants
sacrés, éclatèrent avec plus de force sur la place. Évidemment le
cortège venait de déboucher sur le lieu du supplice et la foule
manifestait ses sentiments par les mêmes vivats et les mêmes cris
de mort.
    Sans répondre à la question du Torero, Fausta se leva et
s’approcha de son pas majestueux du balcon. Elle jeta un coup d’œil
sur la place et vit qu’elle ne s’était pas trompée. Elle se
retourna vers le Torero, qui la regardait faire non sans surprise,
et très calme :
    – Approchez, monsieur, venez voir, dit-elle.
    De plus en plus étonné, don César secoua la tête et,
doucement :
    – Excusez-moi, madame, dit-il, j’ai horreur de ces sortes
de spectacles. Ils me révoltent.
    – Croyez-vous donc, monsieur, dit paisiblement Fausta,
qu’ils ne me répugnent pas, à moi ? Croyez-vous que ce soit
par cruauté malsaine ou par férocité que je suis venue à ce balcon
et que je vous demande d’en approcher vous-même ?
    Le Torero comprit qu’en effet elle devait avoir un intérêt
puissant à le faire assister à cette scène. Malgré sa répugnance,
il se leva et la rejoignit.
    Le cortège funèbre faisait lentement le tour de la place.
    En tête caracolait une compagnie de carabins [1] ,
l’arquebuse posée sur la cuisse.

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