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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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n’occupiez pas une place digne de vos nobles vertus. Charles, mon gentil sire, est bon, mais de tête légère. C’est à vous que devrait appartenir le trône. Voulez-vous me donner aide pour tenir en haute main ce que le roi laisse aller ?…
    Ce petit discours n’était pas pour déplaire au duc de Touraine qui avait beaucoup d’ambition et une belle idée de lui-même. Il promit donc à la reine de l’aider autant qu’il le pourrait et, faisant allusion à la malhonnêteté de ses oncles, il ajouta dans un sourire tendre :
    — Il faut ou empêcher de pareilles choses, madame, ou nous en approprier le profit. Unissons nos intérêts comme nos cœurs. Il n’est plus, dans ce siècle d’intrigues et de faiblesse, d’autres moyens de réussir [113] .
    C’était exactement ce que voulait la reine Isabeau.
    Aussitôt, elle échafauda un plan : éloigner tous ceux qui pouvaient avoir une influence quelconque sur le roi, le libérer de la tutelle des trois régents et l’amener à gouverner seul.
    Les deux amants se jurèrent de tout faire pour arriver rapidement à ce résultat.
    Après quoi, Isabeau se leva, s’habilla et alla mettre Bois-Bourdon au courant de ce qui s’était passé.
    — Nos affaires sont en bonne voie, dit-elle.
    Et, comme le favori, malgré tout, semblait triste, elle lui donna rendez-vous pour le soir même, dans sa chambre.
     
    Isabeau ne parvint pas aussi rapidement qu’elle l’aurait cru à se débarrasser des régents. Trop habile pour précipiter les choses, elle attendit que le temps travaillât pour elle et continua de s’amuser.
    L’un de ses grands plaisirs était d’assister aux duels judiciaires. On sait qu’à cette époque, lorsque la justice n’avait pas de preuves suffisantes pour continuer ses poursuites et ouvrir un procès, le roi autorisait plaignant et accusé à régler leur différend en un combat singulier. Le survivant était considéré comme désigné par le jugement de Dieu et félicité chaudement pour avoir si bien su montrer qu’il avait raison. Quant à l’autre, le simple fait qu’il fût mort prouvait assez combien il avait tort…
    Un jour de 1386, Charles VI autorisa deux gentilshommes normands, Jean de Carrouges et Jacques Le Gris, à venir se battre à Paris pour régler une affaire très curieuse qui passionna le peuple, la cour, et tout particulièrement la jeune reine.
    Le différend qui opposait les deux hommes avait une origine assez savoureuse.
    Jean de Carrouges, qui habitait Alençon, était parti en voyage, laissant sa jeune et fort gracieuse épouse au logis, seule avec ses gens.
    Un soir, un homme se présenta au château et demanda la permission de visiter le donjon.
    — Qui êtes-vous ? lui demanda-t-on.
    — Jacques Le Gris, votre voisin !
    En entendant ce nom, la dame du château fit entrer le visiteur, l’accueillit avec beaucoup de gentillesse et le retint à dîner. Sans défiance, elle le mena ensuite au donjon, afin qu’il le pût visiter tout à son aise. Dès qu’ils furent entrés, Le Gris referma la porte et fit à l’épouse de Jean de Carrouges un aveu touchant le « plus tendre sentiment qu’il éprouvait pour elle ».
    La dame, fort surprise, conçut quelque inquiétude et voulut ressortir ; mais, nous dit un chroniqueur, « le visiteur se saisit d’elle, lui fit subir incontinent l’outrage qu’il préméditait, puis, sortant du donjon, sauta sur son cheval et disparut ».
     
    Lorsque Jean de Carrouges revint chez lui, sa femme lui raconta en pleurant ce qui s’était passé et comment elle avait été déshonorée. Le gentilhomme ne chercha pas à cacher son mécontentement.
    — Je vous vengerai ! dit-il sur un ton noble.
    Et, sans tarder, il écrivit pour se plaindre au duc d’Alençon, qui était son suzerain et celui de Jacques Le Gris. Le duc n’aimait pas que ce genre d’histoire arrivât dans son fief. Très agacé, il convoqua le mari, la femme et l’amant et ne leur cacha pas qu’il les suspectait tous les trois…
    Au cours de cette étrange confrontation, la dame de Carrouges raconta en détail ce qui s’était passé dans le donjon, et accusa Le Gris d’être l’auteur de son viol. Celui-ci se défendit avec fougue, nia farouchement et fournit un alibi incontestable. Très ennuyé, le duc d’Alençon, voyant qu’il ne parviendrait pas à connaître la vérité, envoya les parties devant le Parlement de Paris.
    Après un procès qui dura dix-huit mois, le

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