Les Amours qui ont fait la France
jours, entraîna sa belle épouse vers une chambre où il sut se montrer d’une compagnie agréable…
Après avoir ainsi fait le point sur bien des choses, les nouveaux époux allèrent s’installer au château de Beauté-sur-Marne, que Charles VI avait adopté comme lieu de résidence habituel.
Isabeau fit alors la connaissance des personnages plus ou moins louches qui, dans l’espoir de participer au pillage du Trésor royal, gravitaient depuis quelques années autour du jeune souverain.
Ce sac éhonté et scandaleux avait pour auteurs les trois oncles de Charles : le duc de Bourgogne, le duc de Berry et le duc d’Anjou, qui avaient constitué un gouvernement des « princes des fleurs de lys », après la mort de Charles V. Profitant de la faiblesse du jeune roi, ils s’appropriaient des provinces entières, détournaient à leur profit les impôts et les taxes excessives dont ils frappaient le peuple, et puisaient à pleines mains dans l’or que Charles V avait péniblement amassé.
Cette malhonnêteté des trois « régents » avait fini par créer à la cour une atmosphère assez spéciale qui faisait bien plus ressembler le château de Beauté-sur-Marne à un repaire de brigands qu’à un palais royal.
L’arrivée d’Isabeau inquiéta quelque peu les personnages qui vivaient dans le sillage du roi sous des prétextes étranges et qui parvenaient, au prix de combinaisons diaboliques, à grignoter les miettes du Trésor de l’État.
Certains craignaient que la jolie princesse allemande ne fût plus clairvoyante que Charles VI, et qu’elle ne démasquât leurs intrigues.
Pendant quelques semaines, tout le monde l’observa avec anxiété. Mais la jeune reine était trop habile pour manifester de quelque façon que ce fût les sentiments qu’elle éprouvait devant la friponnerie et l’immoralité profonde qui régnaient à la cour. Et l’on finit par se demander si elle comprenait ce qui se passait autour d’elle et si elle voyait même ces couples dont l’impudeur offrait parfois de curieux spectacles à la fin des banquets.
La résidence royale était en effet le théâtre d’orgies épouvantables auxquelles Charles VI ne participait plus depuis son mariage, mais qu’il tolérait avec beaucoup d’indulgence, connaissant, par expérience, la violence extrême de certains désirs.
Isabeau, par sa seule présence, avait donc réussi, d’une part, à inquiéter les intrigants et, d’autre part, à rendre au jeune souverain son équilibre sexuel. Pendant quelque temps, il y eut moins de malversations, et Charles VI montra des traits plus détendus… Cet apaisement des sens fut pour lui des plus bénéfiques. La tranquillité d’esprit qu’il y gagna lui permit, en effet, de s’occuper un peu des affaires de l’État, et il eut même de grands désirs d’action. Un matin, à l’issue d’ébats où sa virilité avait fait merveille, il se leva, ivre d’orgueil, la tête pleine de projets ambitieux, et, comme, à ce moment, rien au monde ne pouvait lui sembler impossible, il envisagea de débarquer en Angleterre…
Quelques jours plus tard, il partait pour L’Écluse, en Flandres, afin d’y voir sa flotte.
Isabeau resta seule à Beauté…
Cette princesse au sang chaud, que le roi venait d’initier aux jeux amoureux, ne tarda pas à sentir la solitude lui peser. Et un jour, fatiguée de regarder au loin pour voir si Charles ne paraissait pas à l’horizon, elle posa les yeux autour d’elle. La première personne qu’elle y vit était un garçon jeune et bien fait, rempli de grâce, infiniment spirituel et doté d’un grand pouvoir de séduction sur les femmes. Il se nommait Bois-Bourdon [111] .
Cet élégant seigneur était, depuis le premier jour, amoureux d’Isabeau. Voyant que la reine le considérait d’un œil neuf et avec une attention particulière, il s’enhardit, un soir, jusqu’à lui dire qu’il l’aimait.
Isabeau n’avait que dix-sept ans, mais elle était de décision rapide. Dans la nuit qui suivit, elle devint la maîtresse de Bois-Bourdon.
Après quelques jours d’intimité totale, pendant lesquels le jeune favori avait pu percer le caractère ambitieux d’Isabeau, il la mit au courant des intrigues qui se nouaient à Beauté et lui donna quelques conseils assez machiavéliques :
— Madame, point ne serez forte tant que n’aurez imité par façon de geste, de manière et de contenance, les actes des intrigants qui entourent le
Weitere Kostenlose Bücher