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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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Parlement, ne pouvant à non tour rien prouver contre Jacques Le Gris, décida que « champ de bataille jusqu’à outrance s’en ferait ».
    Le roi était alors à L’Écluse et se disposait à passer avec ses barons en Angleterre ; lorsqu’il sut que les deux gentilshommes normands allaient se battre en duel, il revint à Paris, ne voulant pas manquer un pareil spectacle. Les régents firent de même, ainsi que de nombreux seigneurs, et, le jour de la rencontre, il y eut foule pour voir les deux combattants aux prises.
    Le roi, la reine et toute la cour étaient au premier rang. Lorsque tout fut prêt, Jean de Carrouges s’approcha de sa femme, qui était vêtue de deuil, et lui dit :
    — Dame, sur votre information, je vais aventurer ma vie et me battre contre Jacques Le Gris. Vous savez si ma querelle est juste et loyale.
    — Monseigneur, répondit l’épouse, je vous jure que vous combattez sûrement, car la querelle est bonne.
    — Au nom de Dieu, soit ! dit alors le chevalier.
    Et, laissant sa femme agenouillée, il entra dans la lice. Aussitôt, les deux hommes s’attaquèrent à coups d’épée. Après un combat rapide, mais d’une extrême violence, Jacques Le Gris fut jeté à terre. D’un bond, Jean de Carrouges se précipita sur lui et, commençant à lui enfoncer son épée dans le défaut de la cuirasse, lui enjoignit d’avouer son crime.
    — Je suis innocent, répondit Le Gris.
    Alors Carrouges l’acheva sans sourciller. Se relevant, il demanda à l’assistance s’il avait bien fait.
    — Oui ! Oui ! lui fut-il répondu.
    Satisfait, il alla s’agenouiller devant le roi et la reine. Celle-ci avait suivi le spectacle avec tant de passion que ses yeux étaient pleins de flammes. Elle félicita chaleureusement le vainqueur et lui fit donner mille écus.
    Carrouges, fort satisfait, alla chercher sa femme, et tous deux, portés en triomphe par la foule, se rendirent à Notre-Dame pour y faire une action de grâces.
    Au même instant, le corps de Le Gris était conduit au gibet de Montfaucon où le bourreau le pendit.
     
    Personne n’aurait plus jamais parlé de cette histoire si, un jour, un condamné à mort ne s’était accusé, au moment d’être pendu, d’avoir commis l’attentat sur la dame de Carrouges. Pressé de questions, il expliqua qu’il avait pris le nom de Le Gris – avec qui il avait d’ailleurs une vague ressemblance – pour se présenter au château et violer la femme du gentilhomme.
    En apprenant qu’elle s’était trompée, la dame de Carrouges fut très sincèrement désolée ; et, lorsque son mari mourut quelque temps après dans une bataille, elle entra au couvent où, choisissant une pénitence en rapport avec le crime qui avait causé la mort d’un innocent, elle fit vœu de chasteté perpétuelle.
    Cette décision, lorsqu’elle fut connue à la cour, fit bien rire la reine et ses amis. Il faut dire qu’à cette époque Isabeau avait créé à Vincennes une très curieuse et très indécente « cour amoureuse » où l’étalage du vice était de rigueur. Des fêtes licencieuses étaient organisées pendant les absences du roi, et chacun s’y déguisait à sa façon : en oiseau (avec des plumes collées sur le corps), en poisson, ou simplement en Adam et Ève…
    Ces bacchanales se terminaient en orgies qui duraient des nuits entières. La jeune et ardente reine, on le pense, n’était pas la dernière à y faire don de sa personne.
    L’une de ces fêtes scandaleuses devait, un jour, finir bien mal…
     
    De tels jeux de société eussent épuisé n’importe quelle jeune femme normalement constituée. Ils étaient sans doute nécessaires au bon équilibre et à l’apaisement des nerfs d’Isabeau, car jamais on ne vit la reine plus forte et plus maîtresse d’elle-même qu’à cette époque. À peine sortie de ces folles réunions, elle se replongeait dans l’intrigue politique et reprenait sa lutte sourde contre les régents qui la gênaient.
    Ce combat durait depuis un an déjà, et les oncles du roi semblaient ne devoir jamais abandonner leurs positions, lorsque, en automne 1388, Isabeau parvint à s’assurer l’appui du cardinal de Laon.
    Immédiatement, par l’intermédiaire du duc de Touraine, elle poussa Charles à convoquer, sous un prétexte anodin, les princes du sang et plusieurs prélats. L’assemblée eut lieu à Reims. Presque aussitôt après l’ouverture des débats, le cardinal de Laon et quelques amis

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