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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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fureur : dans son égarement, il tira son épée du fourreau et tua cet homme. En même temps, il donna de l’éperon à son cheval et, pendant près d’une heure entière, il fut emporté de côté et d’autre avec une extrême rapidité, en criant : « On veut me livrer à mes ennemis », et en frappant ses amis aussi bien que les premiers venus. Tout le monde fuyait devant lui comme devant la foudre.
    « Pendant cet accès de fureur, le roi tua quatre hommes, entre autres, un fameux chevalier de Gascogne, nommé de Polignac. Il aurait causé de plus grands malheurs encore si son épée ne s’était brisée. Alors, on l’entoura, on l’attacha sur un chariot et on le ramena au Mans pour lui faire prendre un peu de repos. Ses forces étaient tellement épuisées qu’il resta deux jours sans connaissance et privé de l’usage de ses membres [118] . »
    Le duc de Touraine pensa alors que l’affaire avait réussi. Il fit tenir un message victorieux à Isabeau et attendit que son frère fût transportable pour rentrer avec lui à Paris.
    Aussitôt, la reine donna à l’événement une grande publicité, afin que Charles VI fût obligé de quitter le pouvoir.
    — Un roi fou ne peut régner, déclarait-elle en soupirant.
    C’était aussi l’avis des anciens régents.
    — Il faut mettre le duc de Touraine sur le trône, suggéra Isabeau [119] .
    — Point, répondirent les oncles de Charles VI qui avaient vu clair dans le jeu de la reine, Louis est encore trop jeune. Pour le moment, nous reprenons la charge du gouvernement.
    Isabeau était loin de s’attendre à cette réaction, elle fut prise d’une mauvaise colère qui lui fit venir des boutons sur le visage et la rendit malade pendant un mois.
    L’affaire du Mans se soldait donc pour elle par un humiliant échec.
    Mais le roi était fou !
     
    Fin août, Charles VI fut mené, sur l’ordre de ses oncles, au château de Creil où il prit l’habitude de se tenir sur un petit balcon garni de barreaux de fer [120] .
    Au bout de quelques mois de silence et de solitude, Charles VI se sentit mieux, et son médecin lui permit de revenir à Paris, en cet hôtel Saint-Pol où la reine avait élu domicile. Là, il ne s’occupa plus que de fêtes et de plaisirs, laissant le soin des affaires de l’État aux mains de ceux qui ne demandaient d’ailleurs qu’à les diriger.
    Isabeau, ne décolérant pas depuis le tour que lui avaient joué les anciens régents, chercha un moyen de se débarrasser complètement du roi pour amener le duc de Touraine à monter sur le trône. C’est alors qu’elle eut l’idée d’un crime effroyable.
    Une de ses demoiselles d’honneur, Catherine de Fastavrin, s’étant remariée, le roi avait décidé de faire à celle-ci le charivari auquel avaient droit « toutes les veuves qui reprenaient époux ».
    Ce divertissement burlesque eut lieu le 29 janvier 1393, à l’hôtel Saint-Pol. Charles VI et neuf jeunes seigneurs de ses amis se déguisèrent en hommes sauvages au moyen de vêtements formés d’une toile enduite de poix, à laquelle adhéraient des étoupes de lin en guise de poil [121] .
    Tandis que tout le monde dansait une « sarrasine », « accompagnée de gestes obscènes et grotesques », le duc de Touraine, obéissant encore une fois à la reine Isabeau, fit tomber une torche sur les « sauvages ». Il y eut un cri épouvantable et, en un instant, les dix danseurs furent en feu. Emprisonnés dans la poix et le lin embrasé, ils se tordaient en hurlant.
    Charles VI eût sans doute péri comme quatre de ses compagnons, sans la présence d’esprit de la jeune duchesse de Berry qui se précipita sur lui et le recouvrit entièrement de ses jupes. Ce geste, qui « en toute autre occasion, nous dit un historien, eût été mal interprété [122]  », étouffa les flammes et sauva le roi d’une mort atroce.
    Cette fois encore, Isabeau et son amant avaient raté leur coup.
     
    Son déguisement de sauvage ayant été en partie brûlé, le souverain sortit à demi nu de dessous les jupes de la duchesse de Berry.
    Il était très calme, et son regard avait même quelque chose d’extatique qui étonna l’assistance. Il murmura en souriant :
    — Les jolies flammes ! Elles couraient sur le bal tout à l’heure, où sont-elles ?
    Quelques amis, fort peinés de constater que la folie obscurcissait sa pensée au point de l’empêcher de voir à quel danger il venait d’échapper,

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