Les Amours qui ont fait la France
candeur même, fut effaré. Elle dut insister pour le convaincre et il se montra un piètre amant.
La déception fut cruelle pour Aliénor qui rêvait d’un mari vigoureux et ardent capable de lui faire subir mille violences délicieuses…
Ils reprirent leur route, le lendemain, fort tristement.
À Poitiers, une nouvelle les attendait : le roi Louis VI venait de mourir. Immédiatement, Aliénor oublia la fâcheuse impression que lui avait laissée sa nuit de noces, pour ne penser qu’à une chose : elle était reine…
Le couronnement des nouveaux souverains eut lieu à Bourges pendant les fêtes de Noël. Tous les grands seigneurs et tous les chevaliers qui assistèrent à la cérémonie furent éblouis par la beauté d’Aliénor et envièrent le roi. Les chroniqueurs nous disent que « nombreux furent les chevaliers qui retournèrent chez eux, le cœur gonflé d’amour pour la jeune reine aux yeux verts ».
Aliénor avait amené, avec elle, à la cour de France, sa sœur Allix, qui était d’un an sa cadette.
Cette gracieuse personne, dont le sang était particulièrement chaud, ne tarda pas à considérer avec un œil brillant les jeunes comtes qui fréquentaient au palais. Son air effronté de gamine précoce finit par séduire le beau Raoul de Vermandois qui avait le titre de sénéchal de France. Un soir, elle alla le retrouver dans sa chambre et devint sa maîtresse. Elle n’avait pas quinze ans. Leur plaisir fut si peu discret que tout le château passa une nuit blanche. Le lendemain, le roi, qui était d’une grande pruderie, convoqua Raoul et lui déclara qu’il était très mécontent. Un peu honteux, le sénéchal bredouilla quelques excuses et s’engagea à épouser l’ardente Allix.
Or il était déjà marié avec Gerberte de Champagne…
— Que ferez-vous de votre femme ?
— Je crois, répondit hypocritement Raoul, que nous sommes parents à un degré prohibé par l’Église. Je vais en aviser l’évêque de Reims, et notre mariage sera déclaré nul.
Naturellement, cette histoire de cousinage était entièrement inventée. Aussi l’évêque de Reims refusa-t-il d’autoriser la répudiation et, à plus forte raison, le remariage. Mais Raoul, soutenu par Aliénor qui voulait que sa sœur fût heureuse, passa outre et, deux mois plus tard, son union avec Gerberte ayant été déclarée nulle par un concile formé de prêtres amis de la reine, il épousa Allix.
Or Gerberte n’était pas femme à se laisser faire ; elle alla se plaindre à son oncle Thibaut de Champagne qui, furieux d’apprendre comment on traitait sa nièce à la cour de France, déclara la guerre à Louis VII. De durs combats s’engagèrent aussitôt entre les armées champenoise et française. Au cours d’une de ces opérations, le roi, qui avait pris déjà Dormans et Épernay, vint assiéger Vitry, où il pénétra après avoir fait preuve d’une grande cruauté. Affolés, les habitants se réfugièrent dans l’église. Alors, le roi, créant un précédent au crime d’Oradour, fit mettre le feu au monument et mille trois cents personnes moururent, brûlées vives…
Louis VII, lorsqu’il recouvra son sang-froid, eut de grands remords de cette action ; et, comme il était lâche, il en voulut à Aliénor d’être avec sa sœur à l’origine de cette guerre.
Rentré à Paris, il se confessa à saint Bernard qui lui suggéra de se racheter en allant combattre l’infidèle en Palestine.
Louis accepta et décida qu’Aliénor l’accompagnerait à Jérusalem. Était-il donc si amoureux d’elle qu’il ne pût la quitter ? Non, mais il était jaloux. Il savait que la jeune reine avait un tempérament fougueux et qu’elle n’attendait qu’une occasion pour tomber dans les bras d’un gaillard plus viril que lui. Aussi croyait-il, en l’emmenant à Jérusalem, agir avec une grande sagesse. Personne ne lui avait dit que les nuits chaudes de l’Orient avaient des effets désastreux sur les femmes…
Le départ pour la Terre Sainte eut lieu le 1 er juin 1147. Les souverains, accompagnés de nombreux chevaliers, traversèrent l’Allemagne, franchirent le Danube à Ratisbonne, firent étape à Belgrade, à Andrinople, à Byzance, à Éphèse, puis ils embarquèrent.
Au printemps suivant, ayant remonté le cours de l’Oronte, ils arrivèrent à Antioche. Le prince de cette ville, Raymond de Guyenne, était l’oncle d’Aliénor. Il reçut les souverains dans son magnifique
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