Les Amours qui ont fait la France
France.
Aussi, le régent, faisant taire ses scrupules religieux, répondit-il à Louis VII :
« Quant à la reine, votre femme, nous vous conseillons, si vous le voulez bien, de cacher l’inquiétude qui vous dévore, jusqu’à ce que, revenu en France, vous puissiez délibérer tranquillement sur cela comme sur tant d’autres choses. »
Cette lettre apaisa un peu le roi. Et c’est presque réconciliés que les souverains quittèrent la Terre Sainte pour rentrer en France.
À Rome, où ils s’arrêtèrent, le pape, prévenu par Suger, leur déclara qu’« il ne devait jamais être question entre eux d’empêchement par consanguinité », et il confirma solennellement leur mariage.
Louis VII, qui était toujours fort épris d’Aliénor, en éprouva une grande joie et voulut, le soir même, fêter gaillardement ces nouvelles épousailles.
Il le fit si bien que, quelques semaines plus tard, on annonçait que la reine attendait un héritier…
Les croisés rentrèrent en France, et Aliénor, qui mit au monde une fille, se montra pendant quelque temps une épouse parfaite, entourant le roi de tendresse et dorlotant son bébé. Mais cette attitude fut de courte durée. Ce que les chroniqueurs appellent son « besoin de plaire et de séduire » poussa bientôt la reine à commettre de nombreuses imprudences avec les jeunes seigneurs qui étaient conviés à la cour.
Elle se montra, dit-on, si légère que le roi manifesta de nouveau sa jalousie. Finalement, il eut la certitude qu’Aliénor avait un amant.
Cette fois, il n’en parla pas à l’abbé Suger, qu’il savait toujours hostile au divorce, et se contenta de demander conseil à quelques évêques de ses amis. Ceux-ci, comme la plupart des ministres, n’avaient que peu d’amitié pour l’ex-régent. Ravis de contrer sa politique, ils déclarèrent au roi que la consanguinité existait réellement et qu’une annulation du mariage royal était chose facile.
Sur ces entrefaites, Suger mourut brusquement… Et, en mars 1152, un concile réuni à Beaugency rendit la liberté aux deux époux.
Aliénor, qui était à Blois, à ce moment, accueillit la nouvelle avec joie. Elle était lasse, en effet, de ce trop scrupuleux et trop pieux mari qui passait son temps à la surveiller.
Et puis elle allait enfin pouvoir réaliser son rêve : organiser, avec quelques troubadours et quelques jolies dames de ses amies, une cour d’amour…
Cette jeune femme, qui possédait maintenant à elle seule plus du tiers de la France, fut aussitôt entourée de prétendants. Pour les fuir, elle se réfugia dans son château de Poitiers. C’est là qu’elle vit arriver, par un beau matin d’avril, un élégant jeune homme de dix-neuf ans, qu’elle connaissait bien pour avoir tendrement parlé d’amour avec lui à Paris, l’été précédent. Il était séduisant, il était comte d’Anjou et de Touraine et s’appelait Henri Plantagenêt [49] …
— Quand je serai libre, lui avait-elle dit à Paris, nous nous épouserons.
Ce jour était venu. Et, un mois plus tard, c’est-à-dire deux mois après la décision du concile de Beaugency, le 18 mai 1152, Aliénor épousait son jeune amant…
Immédiatement, ses possessions se soudèrent à celles de Plantagenêt, et il se forma tout à coup, à l’ouest du domaine royal, un puissant État, qui allait de la Picardie au Pays basque.
Louis VII comprit sa maladresse. Perdant tout sang-froid, il déclara la guerre à Henri Plantagenêt avec l’espoir de reprendre les provinces perdues ; mais il dut vite abandonner la lutte et regretta de n’avoir pas suivi les sages conseils de Suger.
Pendant ce temps, le mari d’Aliénor, qui était petit-fils de Guillaume le Conquérant, et qui avait des droits à la succession au trône d’Angleterre, renouait des amitiés outre-Manche. Finalement il se rendit à Londres où il passa près d’un an à jouer de son charme devant une cour émerveillée. Le résultat fut prodigieux : Plantagenêt réussit à se faire nommer héritier par le souverain anglais qui n’avait pas de fils.
Cette nouvelle parvint à Aliénor alors qu’elle venait de mettre au monde un gros garçon qu’on devait baptiser Guillaume. Elle soupira. Allait-elle donc être reine pour la deuxième fois ?
Oui. En 1154, le roi Étienne d’Angleterre mourut, et Henri lui succéda sur le trône.
Louis VII, cette fois, fut accablé, car toutes les possessions de Plantagenêt : la
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