Les Amours qui ont fait la France
et que le plus souvent, assis sur l’escabeau où elle posait ses pieds, et comme fasciné par ses enchantements, il obéissait aveuglément à ses ordres. »
Philippe, amoureux fou, réussit – assez aisément – à obtenir un rendez-vous très particulier avec Bertrade.
Après avoir passé ensemble un moment qu’ils jugèrent bien rempli, ils allaient se quitter sur un dernier baiser, lorsque l’ardente comtesse d’Anjou se rejeta furieusement dans les bras du roi.
— Enlevez-moi, dit-elle soudain.
Philippe lui sourit.
— Je vais préparer cette nuit notre départ. Trouvez-vous demain à l’église Saint-Jean à l’heure de la bénédiction…
Le lendemain, veille de la Pentecôte, Bertrade se rendit à l’église indiquée et suivit l’office le cœur battant. Philippe vint bientôt la rejoindre, s’agenouilla près d’elle et feignit de prier aussi pieusement qu’il le faisait jadis à Orléans, avec Berthe.
Tout à coup, au moment où les braves chanoines étaient occupés à bénir les fonts baptismaux, il la prit rapidement dans ses bras devant la foule stupéfaite et sortit de l’église en courant. À la porte, il avait posté un groupe de cavaliers.
— Que personne ne sorte de l’église ! leur cria-t-il.
Puis, montant à cheval, il prit sa belle en croupe et partit à vive allure vers Orléans.
Cet enlèvement causa le scandale qu’on imagine. Le haut clergé se réunit de toute urgence pour examiner la situation, et le comte d’Anjou, qui aimait tendrement sa femme, dut se mettre au lit tellement il était malheureux.
Au bout de quelques jours, pourtant, il se releva, envoya une lettre d’injures au roi et se prépara à la guerre.
Philippe, tout à son bonheur, ne prit même pas la peine de lui répondre. Alors Foulques devint menaçant :
« Rendez-moi ma femme, ou je prends la tête d’une coalition contre vous et j’assiège Orléans… Vous serez battu, car j’ai pour moi tous les hommes de France que votre conduite révolte… »
Philippe reçut cette lettre en riant.
— S’il a pour lui tous les cocus, dit-il, il se pourrait en effet que l’armée royale ne fût pas assez forte.
Finalement, Foulques se calma, et Bertrade, au bout de quelques mois, sachant que son pouvoir sur le malheureux comte d’Anjou était absolu, s’amusa à l’inviter au palais d’Orléans.
Foulques vint.
Pendant tout le repas, Bertrade se montra aussi tendre avec lui qu’avec Philippe. Elle les embrassait à tour de rôle et fut si habile qu’à la fin du dîner les deux hommes étaient réconciliés.
— Il faudra revenir, dit Bertrade aimablement.
Foulques, ayant baisé sa femme au front et serré la main du roi, retourna à Tours…
Bertrade et Philippe furent moins heureux dans leurs négociations avec l’Église. Celle-ci se montra intraitable et ordonna au roi de renvoyer sa concubine. Elle ajouta qu’il était navrant de voir les préoccupations d’un souverain qui se disait chrétien, au moment où de valeureux chevaliers se préparaient à partir délivrer le Saint Tombeau…
On était, en effet, en 1096 ; un Amiénois nommé Cucupiètre, mais plus connu sous le sobriquet de Pierre l’Ermite, venait de prêcher la première croisade. Événement considérable qui devait bouleverser la civilisation occidentale, mais dont Philippe, trop occupé par Bertrade, se désintéressa complètement. Son mariage avec la voluptueuse comtesse passait pour lui avant toute chose.
— Vous ne vous marierez point, avait dit le pape.
Sans s’émouvoir, Philippe convoqua à Paris quelques évêques de ses amis et fit célébrer son union avec Bertrade, qui était toujours la femme légitime de Foulques.
Le pape Urbain II, fort irrité de cette désobéissance, commença par excommunier le roi, puis il convoqua à Nîmes un concile qu’il vint présider personnellement. Philippe, un peu ennuyé de voir l’ampleur que prenaient les choses, promit de renoncer à Bertrade. Le pape donna son absolution et, satisfait, s’en retourna à Rome.
Mais, deux jours plus tard, Philippe reprenait Bertrade dans son lit…
Aussitôt informé, Urbain II entra dans une grande – mais sainte – colère et excommunia Philippe une seconde fois. De plus, il frappa d’interdit tout le royaume. Sentence qui empêchait de célébrer les offices, d’enterrer les défunts et d’administrer les sacrements dans le diocèse où séjournait le roi.
Philippe ne céda pas et
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