Les Amours qui ont fait la France
et conclut une promesse de mariage entre Marguerite, la dernière fille du roi de France, et son fils aîné âgé de trois ans… La fiancée, elle, avait deux ans. Selon la coutume, elle fut confiée immédiatement à son futur beau-père pour être élevée en Grande-Bretagne.
Aliénor eut donc à s’occuper d’une fillette que son ex-époux avait eue de sa nouvelle femme…
Elle le fit sans s’étonner et avec beaucoup de bonté.
Mais, un an plus tard, elle réussit à revenir en France pour les fêtes de Noël. Bernard de Ventadour, qui lui avait fait parvenir à Londres de nombreuses chansons pleines d’amour, l’attendait à Poitiers.
En la voyant enfin paraître, il écrivit un poème joyeux qu’il lui chanta le soir même au coin du feu, en s’accompagnant au rebec.
Mon cœur déborde de tant de joie
Que tout me paraît changé dans la nature.
Je ne vois dans l’hiver
Que des fleurs blanches, rouges et jaunes ;
Avec le vent et la pluie
Se grandit mon bonheur,
Mon talent s’en accroît
Et mon chant s’embellit.
J’ai au cœur tant d’amour,
De plaisir et de joie,
Que la grâce me semble fleur
Et la neige verdure.
Dehors, le vent d’hiver faisait tournoyer la neige. Aliénor fut troublée par cette chanson. Elle pensa qu’il y avait trois ans que ce beau garçon soupirait d’amour pour elle, et qu’elle devrait bien faire quelque chose pour lui.
Elle se leva, s’approcha de Bernard en le regardant dans les yeux, et le baisa sur la bouche.
Le malheureux, que le désir tourmentait depuis trente-six mois, lui fit comprendre par un énorme soupir qu’il lui fallait davantage pour se sentir mieux.
Les appartements d’Aliénor n’étaient pas loin. Elle sut se montrer compréhensive…
Durant son séjour, Aliénor reconstitua la cour d’amour qu’elle avait créée à Poitiers avant de devenir reine d’Angleterre. Cette cour, où siégeaient une vingtaine de dames, quelques troubadours et des chevaliers connus pour leur galanterie avec les femmes, étudiait des problèmes amoureux et rendait des sentences en se fondant sur le code d’amour dont voici quelques-uns des trente et un articles :
« Le mariage n’est pas une excuse légitime contre l’amour. »
« Qui ne sait celer ne peut aimer. »
« Personne ne peut avoir à la fois deux attachements. »
« L’amour doit toujours ou augmenter, ou diminuer. »
« Il n’y a pas de saveur aux plaisirs qu’un amant dérobe à l’autre sans son consentement. »
« En amour, l’amant qui survit à l’autre est tenu de garder viduité [c’est-à-dire veuvage] pendant deux ans. »
« L’amour a coutume de ne pas loger dans la maison de l’avarice. »
« La facilité de la jouissance en diminue le prix, et la difficulté l’augmente. »
« Une fois que l’amour diminue, il finit bientôt : rarement il reprend des forces.
« Le véritable amant est toujours timide. »
« Rien n’empêche qu’une femme soit aimée de deux hommes, ni qu’un homme soit aimé de deux femmes. »
Les questions auxquelles la cour avait à répondre étaient souvent fort savoureuses. En voici une qui dut intéresser particulièrement Aliénor : « Le véritable amour peut-il exister entre époux ? » Et peut-être fut-elle l’inspiratrice de ce jugement qui remporta tous les suffrages :
« Nous disons et assurons, par la teneur des présentes, que l’amour ne peut étendre ses droits sur deux personnes mariées. En effet, les amants s’accordent tout, mutuellement et gratuitement, sans être contraints par aucun motif de nécessité, tandis que les époux sont tenus par devoir de subir réciproquement leurs volontés et de ne se refuser rien les uns les autres… »
Voilà qui est clair et qui dut faire bien plaisir à Henri II lorsqu’il eut connaissance de cette sentence…
Une autre fois, la cour d’amour d’Aliénor eut à se prononcer sur le problème suivant : « Un chevalier requérait d’amour une dame dont il ne pouvait vaincre les refus. Il envoya quelques présents honnêtes que la dame accepta avec empressement. Cependant, elle ne diminua rien de sa sévérité accoutumée contre le chevalier qui se plaignit d’avoir été trompé par un faux espoir que la dame lui avait donné en acceptant les présents. »
Il fut répondu ceci : « Il faut, ou qu’une femme refuse les dons qu’on lui offre dans les vues d’amour, ou qu’elle compense ses présents. Si
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