Les Amours qui ont fait la France
Sainte…
À son retour, comme il commençait à se sentir un peu seul dans son lit, il songea à contracter un nouveau mariage. En bon politique, il chercha, de préférence, une princesse dont le père pouvait lui être utile dans la lutte qu’il menait alors contre l’Angleterre. Justement, le roi danois Kanut VI, qui possédait une flotte bien équipée et pouvait être un auxiliaire précieux contre Richard Cœur de Lion, avait une sœur, âgée de dix-huit ans, prénommée Ingeburge, qu’on disait jolie et fort appétissante. Philippe Auguste lui envoya des ambassadeurs.
— Le roi de France serait honoré que vous lui accordiez la main de votre sœur, dirent-ils à Kanut.
Le roi de Danemark, flatté, déclara aux envoyés qu’il acceptait. Puis il appela Ingeburge et lui apprit la nouvelle. La jeune princesse rougit consciencieusement pour montrer qu’elle était bien élevée, et affirma qu’elle était très contente.
— Dans ce cas, dirent les ambassadeurs qui n’aimaient pas perdre de temps, voulez-vous faire préparer vos bagages ? Nous allons vous conduire sans retard auprès de votre fiancé.
Et pendant qu’Ingeburge, ravie, et de plus en plus rougissante, allait remplir des coffres de robes, de joyaux et de pierreries, les ambassadeurs de Philippe Auguste abordèrent le sujet toujours délicat de la dot.
Ils expliquèrent que le roi de France ne voulait pas d’argent, mais simplement la cession des anciens droits de la maison de Danemark au trône d’Angleterre.
— Ainsi, ajoutèrent les hypocrites, le mari de votre sœur pourra un jour revendiquer ce trône et, peut-être, agrandir encore sa puissance…
Le roi Kanut était finaud.
— Aurait-il les moyens d’aller faire valoir ses droits, les armes à la main ? demanda-t-il.
Les ambassadeurs furent contraints de dévoiler leurs batteries. Ils le firent d’un ton bonhomme.
— Dans ce cas, dirent-ils en souriant, serait-il téméraire de penser qu’il pourrait compter sur l’appui de la flotte danoise ?
Kanut, qui était à ce moment en mauvais termes avec Henri IV, fils et successeur de Frédéric Barberousse, tenait à garder intact et toujours prêt l’ensemble de ses forces. Il refusa et les ambassadeurs français furent très ennuyés.
— En retour, dirent-ils en s’efforçant d’avoir l’air sincère, Philippe Auguste vous aiderait naturellement contre l’empereur d’Allemagne.
Cela sembla bien aléatoire au roi danois… Il préféra proposer une dot en espèces.
— Bien, dirent les envoyés d’un ton sec, dans ce cas, le roi de France exige dix mille marks d’argent.
Le roi Kanut était fort économe. La somme l’effraya.
Un instant, il songea à renoncer à ce mariage. Il fallut que son confident, l’abbé Guillaume, qui était français, lui démontrât qu’il pouvait être utile d’être l’allié du roi de France et qu’il serait ridicule de risquer de se fâcher avec ce puissant prince pour quelques pièces d’argent…
Le Danois finit par accepter, mais précisa qu’il verserait la somme en plusieurs fois…
— Nous vous faisons confiance, dirent les ambassadeurs, radoucis.
Quelques jours plus tard, ils emmenaient la belle Ingeburge vers la France…
Philippe Auguste avait décidé d’attendre sa fiancée à Amiens dont les maisons furent aussitôt décorées de draps brodés et de guirlandes de fleurs.
Un soir, vers cinq heures, on vint dire au roi que la longue file de chariots qui ramenaient du Danemark les ambassadeurs français, Ingeburge… et la dot, était en vue. Il revêtit son haubert à mailles d’argent et alla se poster avec ses porte-oriflammes et ses barons devant la porte de la ville.
Les cavaliers qui précédaient le convoi vinrent d’abord saluer Philippe Auguste et se rangèrent derrière lui. Puis un chariot garni de fourrures s’arrêta, et Ingeburge apparut.
Elle était si belle que le roi en fut saisi. Il sauta de son cheval et vint s’incliner devant elle.
Jamais il n’avait vu une femme aussi gracieuse et aussi désirable. Comprenant qu’il ne pouvait pas attendre jusqu’au lendemain soir pour la mettre dans son lit, il lui fit dire, par un interprète, qu’il voulait que leur mariage eût lieu immédiatement.
Ingeburge rougit, comme elle savait si bien le faire, et baissa les yeux.
— Allons vite à l’église, dit le roi en prenant sa fiancée par le bras.
Tout le peuple les suivit à la cathédrale où un prélat
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