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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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ayez pitié…
    La suite de la phrase retombait dans le bourdonnement de la prière commune.
    Tous les Senlisiens étaient aux fenêtres et s’interrogeaient avec effarement : que se passait-il ? Était-ce la fin du monde ? Qui donc était cette jeune femme qui avait l’air si triste et dont les cheveux blonds flottaient si joliment ?
    Soudain quelqu’un cria :
    — C’est la reine !
    Cette pénitente, que suivaient des miséreux en haillons, était, en effet, la jeune reine de France, Ysabelle de Hainaut [52] .
    L’inquiétude des braves bourgeois redoubla, et un grand silence s’établit.
    Les archers, dont le premier mouvement avait été de « faire circuler » les gens qui envahissaient la voie publique, s’arrêtaient, paralysés d’ahurissement en reconnaissant, eux aussi, leur souveraine…
    Le cortège, qui grossissait sans cesse, traversa la ville et s’arrêta devant le palais du roi.
    Alors une porte s’ouvrit et Philippe Auguste parut. Il portait une robe de velours écarlate, et, bien qu’il n’eût que dix-neuf ans, son aspect était imposant. Il demeura immobile. Ses yeux qui étincelaient ne quittaient pas la reine. Il était à la fois humilié et bouleversé de la voir surgir en cette tenue et en cette compagnie…
    Les cris que la foule s’était mise à pousser devinrent plus distincts :
    — Ayez pitié de la reine !… Sire, ayez pitié de la reine !… Seigneur, ayez pitié de la reine !… Grâce ! Grâce pour la reine !…
    Pourquoi le peuple demandait-il donc au roi d’être pitoyable ?
    Parce que, l’après-midi, une assemblée de prélats et de seigneurs, réunis sur l’ordre de Philippe Auguste, devait se prononcer sur la répudiation de la souveraine.
    Qu’avait donc fait cette jeune reine de quinze ans pour être ainsi traitée ? Rien ; mais le roi était en lutte contre une coalition de grands vassaux où se trouvaient le père et l’oncle d’Ysabelle, et il accusait celle-ci – à tort – de prendre le parti de sa famille.
    Pour justifier le divorce, certains ecclésiastiques parlaient naturellement d’un lien de parenté existant entre les deux époux, et d’autres, plus perfides encore, allaient jusqu’à insinuer que la reine avait un amant…
    C’est alors qu’affolée la pauvre Ysabelle avait eu l’idée de venir, en compagnie de ses plus pauvres sujets, demander sa grâce au roi.
    Pour l’instant, les yeux pleins de larmes, elle regardait Philippe Auguste avec amour.
    Lui, les traits crispés, toujours immobile, considérait l’immense foule qui le suppliait. Depuis le premier instant, il avait compris que la répudiation d’Ysabelle serait maintenant une faute politique, et il était furieux. Finalement, il s’avança vers la reine et lui prit la main. Un grand silence se fit sur la place.
    — Dame, dit le roi, je veux que tous sachent que vous ne partez pas de moi par votre méfait, mais sans plus pour ce qu’il me semble que je ne puis avoir lignée de vous. Et s’il y a baron en mon royaume que vous vouliez avoir à seigneur, dites-le-moi et vous l’aurez, quoi qu’il doive m’en coûter.
    Ysabelle répondit avec beaucoup de tendresse :
    — Sire, à Dieu ne plaise qu’homme mortel entre dans le lit où vous avez dormi…
    Puis, ses forces l’abandonnant soudain, elle éclata en sanglots et le roi, fort ému, la serra dans ses bras.
    — Certes, bien avez dit, s’écria-t-il, car vous ne vous en irez jamais.
    La foule poussa des exclamations de joie, et les deux souverains entrèrent dans le château…
    Le peuple venait de rendre une reine à la France.
     
    Au bout de quelque temps, le roi lui témoignant de nouveau une extrême froideur, Ysabelle rencontra son père et le conjura de ne plus se battre contre la Couronne. Le comte de Hainaut promit de se séparer de ses alliés, et Philippe Auguste rendit cette fois toute sa tendresse à la reine.
    En retour, voulant faire bien les choses, Ysabelle, en 1187, accoucha d’un gros garçon, qu’on nomma Louis (futur Louis VIII).
    Le roi, fou de joie, voua dès lors un amour infini à celle qui venait de lui donner un héritier et il exigea qu’on lui rendît un hommage particulier et fervent.
    — Je veux qu’elle soit la plus grande et la plus honorée des reines de France, disait-il.
    Hélas ! en 1190, alors qu’elle n’avait pas encore vingt ans, Ysabelle mourut en couches.
    Philippe Auguste, écrasé de chagrin, s’en fut oublier sa peine en Terre

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