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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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d’Agnès.
    Et, comme il lui fallait passer sa colère sur quelqu’un, il se tourna naturellement vers la malheureuse Ingeburge…
    Un matin, des hommes d’armes entrèrent dans la cellule qu’elle occupait au couvent de Cysoing.
    — Par ordre du roi, suivez-nous !
    Tremblante, la pauvre recluse se leva.
    — Où m’emmenez-vous ?
    — Le roi nous a fait défense de le dire !
    Ingeburge connaissait les usages. Elle pensa qu’on la conduisait en quelque endroit bien isolé pour la poignarder tranquillement, et elle regretta de mourir ainsi à vingt-cinq ans…
    Pourtant, elle sortit de sa cellule et monta sur le cheval qu’on avait préparé pour elle.
    Mais les envoyés du roi n’avaient pas reçu l’ordre de l’assassiner. Ils ne contentèrent de l’emmener dans un cachot situé en un lieu que personne ne connut jamais.
     
    Pendant ce temps, Agnès était moins heureuse que ne le pensait Ingeburge.
    Elle se plaignait de voir son mari absorbé par les affaires du royaume alors qu’elle eût voulu qu’il s’occupât d’elle exclusivement, qu’il restât tout le jour à ses côtés, qu’il la prît sur ses genoux et lui fit, entre deux jeux d’amour sur une fourrure, au coin du feu, la lecture de quelques beaux poèmes d’amour courtois… Elle finit par supplier le roi de tout abandonner et de partir avec elle loin de Paris, loin de la France… ce qui était pour le moins extravagant !
    Comment imaginer le roi loin de son royaume au moment où le pape l’attaquait et au moment où le pays se mettait à douter de lui ? Au contraire, Philippe entendait plus que jamais montrer son autorité. Il rattachait au domaine royal le comté d’Évreux, qui appartenait au roi d’Angleterre ; il mariait (en Normandie, à cause de l’interdit) son fils, le prince Louis, à la petite-fille d’Aliénor : Blanche de Castille (union qui pouvait faire espérer une réconciliation entre les deux dynasties rivales), et il publiait une charte restée fameuse qui précisait les privilèges de l’université de Paris. Enfin, pour montrer au pape qu’il était maître chez lui, il chassait les évêques de leurs sièges, les renvoyait hors des frontières de France et confisquait leurs biens.
    Au mois de septembre 1200, après huit mois d’interdit, le peuple devint soudain menaçant. Dans certains endroits, les cadavres, que l’on n’avait pas le droit d’enterrer, dégageaient une telle puanteur que des villages entiers étaient incommodés. Le roi savait quels graves ennuis devaient supporter ses sujets, mais il ne voulait pas céder. Lorsqu’on lui conseillait d’éloigner Agnès et de reprendre les pourparlers avec le pape, il s’écriait, le regard brillant :
    — Elle m’est unie par la chair ! J’aime mieux me faire mécréant plutôt que d’en être séparé !
    Pourtant, devant la colère croissante d’un peuple qui menaçait de se soulever, il finit par s’incliner. Il envoya des émissaires à Rome supplier le pape de lever l’interdit et de réunir, pour étudier la validité de son union avec Ingeburge, un concile auquel il s’engageait par avance à se soumettre.
    Innocent III, inflexible, exigea avant toute chose le renvoi d’Agnès et le rappel d’Ingeburge.
    Philippe Auguste dut céder.
    Après avoir fait conduire Agnès au château de Poissy, il fit installer la reine répudiée dans le château de Saint-Léger-en-Yvelines, près de Paris.
    Aussitôt, l’interdit fut levé. Il avait duré neuf mois.
     
    Quelque temps après, le concile qu’avait demandé le roi se réunit à Soissons en présence d’Ingeburge, fort étonnée. Les débats furent tumultueux, et Philippe Auguste s’aperçut vite que les choses ne tourneraient pas à son avantage.
    Il eut alors une idée extraordinaire.
    Se levant brusquement, il déclara qu’il reconnaissait Ingeburge pour sa femme légitime et lui rendait tous ses droits.
    — Je n’ai jamais cessé de l’aimer, dit-il.
    Et, tandis que les cardinaux demeuraient stupéfaits, il l’entraîna vers la cour du château, la fit monter sur son cheval et l’enleva [56] …
    Immédiatement, le concile fut dissous.
    C’est tout ce que voulait le roi, car, bien entendu, il s’agissait d’une feinte…
     
    Lorsqu’elle apprit ce qui s’était passé à Soissons, Agnès, rendue extrêmement émotive par une maternité prochaine, eut une crise de désespoir.
    — Philippe ! Mon Philippe bien-aimé, cria-t-elle, pourquoi m’as-tu

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