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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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Cysoing, près de Tournai.
     
    Dans ce couvent, la jeune reine allait être odieusement traitée. Rien n’était prévu pour elle, pas même la nourriture. Pour vivre, la pauvre, qui avait apporté une si belle dot au roi de France, dut vendre le peu de choses qu’elle possédait et jusqu’à ses vêtements… L’évêque de Tournai, mis au courant, mais incapable de venir en aide à la souveraine alors étroitement surveillée, écrivit cette lettre à l’archevêque de Reims, qui avait participé au concile :
     
    En laissant à Dieu le jugement d’une affaire si délicate, je ne puis m’empêcher de plaindre une princesse réduite à demander sa nourriture après avoir vendu, pour subsister, sa vaisselle et la meilleure partie de ses vêtements. Les exercices sérieux et pénibles remplissent tous ses moments ; les ris et les jeux sont les seules choses pour lesquelles il lui reste peu de loisir : ils lui sont absolument inconnus. Elle prie chaque jour, sans interruption et avec effusion de larmes, depuis le matin jusqu’au milieu du jour ; et ce qu’on ne croirait pas d’une vertu moindre que la sienne, ses vœux les plus ardents ont pour objets non sa propre satisfaction, mais le bonheur parfait et le salut du roi [54] .
     
    En effet, Ingeburge, du fond de sa sinistre cellule, continuait à aimer passionnément cet homme dont elle avait rêvé en venant l’épouser et qui lui était apparu un soir dans toute sa gloire devant les portes de la ville d’Amiens. Elle ne cessait de penser à lui avec une infinie tendresse…
    « Je suis sa femme », pensait-elle avec un grand trouble.
    Car la pauvre, en sa naïveté, avait été abusée par les outrages insignifiants que lui avait fait subir Philippe Auguste, et elle croyait qu’il était vraiment son mari…
     
    Pendant ce temps, Kanut, le roi de Danemark, envoyait deux ambassadeurs au pape Célestin III, chargés de dénoncer l’attitude ignominieuse de Philippe Auguste à l’égard d’Ingeburge et de démontrer clairement que les liens de parenté invoqués par le concile étaient une grossière invention.
    Le souverain pontife étudia posément l’affaire et décida de casser la sentence de divorce illégalement rendue à Compiègne. Les envoyés danois reçurent acte de cette décision et, tout heureux de leur réussite, retournèrent vers Kanut.
    Mais Philippe Auguste, tenu au courant de leurs négociations par son service d’espionnage, les fit arrêter non loin de Dijon, dépouiller et jeter en prison.
    Alors le roi de Danemark et le pape adressèrent une protestation commune à Philippe Auguste. Pour toute réponse, celui-ci fit mettre Ingeburge dans une cellule encore plus inconfortable.
    Puis il chercha un moyen de rendre son divorce irrévocable et crut l’avoir trouvé.
    « Et si je me remariais ? » pensa-t-il.
    L’idée lui sembla bonne, et il se mit aussitôt en quête d’une nouvelle épouse. Mais les malheurs d’Ingeburge, qui avaient inspiré de nombreuses complaintes à des trouvères, étaient maintenant connus de toute l’Europe, et le roi de France subit l’affront de plusieurs refus. Une princesse d’Allemagne répondit : « Je connais la conduite du roi de France envers la sœur du roi de Danemark ; cet exemple m’épouvante. » Et elle épousa le duc de Saxe. Il en fut de même de Jeanne d’Angleterre, qui devint comtesse de Toulouse. Et, pendant quelque temps, tous les princes d’Europe qui avaient des filles s’empressèrent de les marier pour n’avoir point à les refuser au roi de France. Ces humiliations rendirent furieux Philippe Auguste, et le ton de ses demandes en mariage en souffrit. Voici par exemple comment il se déclara à une princesse de Flandre qu’on lui avait signalée : « Je jure que je vous épouserai, à moins que vous ne soyez laide à faire peur. » La jeune fille ne jugea pas utile de répondre [55] .
    Finalement, en 1196, Philippe Auguste, qui avait alors trente et un ans, fut informé qu’Agnès, sœur d’Othon, duc de Méranie, acceptait de devenir sa femme.
    Aussitôt des ambassadeurs français allèrent la chercher et la ramenèrent en grande pompe jusqu’à Compiègne, où Philippe Auguste tenait alors une cour plénière pour recevoir l’hommage du comte de Flandre.
    Quand le cortège entra dans la ville, on vint prévenir le roi, qui suspendit les débats auxquels il présidait et s’en alla, vêtu d’une robe d’apparat et tête nue, attendre sa

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