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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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tendrement à reprendre sa place de reine et d’épouse…
    Et elle s’attardait sur cette image avec extase.
    Pendant qu’Ingeburge pleurait ou se leurrait ainsi, la cour de Danemark ne restait pas inactive et envoyait des ambassadeurs auprès du pape pour protester contre le remariage de Philippe Auguste. Mais Célestin III, alors âgé de quatre-vingt-douze ans, n’avait plus l’énergie nécessaire pour entrer en lutte contre le bouillant roi de France. Il se contentait de hocher la tête avec désapprobation et d’envoyer sa bénédiction à Ingeburge.
    Philippe Auguste et Agnès, que les seigneurs avaient surnommée la fleur des dames , pouvaient filer le parfait amour en toute tranquillité.
    Pendant dix-huit mois, la cour fut en fêtes, et le peuple se félicitait déjà d’avoir enfin un roi heureux en ménage, lorsqu’une lettre foudroyante arriva de Rome. Célestin III venait de mourir, et son successeur, Innocent III, prenant la défense d’Ingeburge, ordonnait à Philippe Auguste de renvoyer Agnès, considérée comme une concubine, et de reprendre la vie commune avec la reine répudiée.
    Le roi, furieux, déchira la lettre et ne répondit pas.
    Alors, Innocent III envoya un légat avec une seconde missive. Philippe Auguste consentit à le recevoir, lut l’admonestation du pape et dit calmement :
    — Vous direz au Saint-Père qu’Agnès est ma femme et que personne ne pourra m’en séparer.
    Puis, avec le minimum d’égards, il reconduisit le légat jusqu’à la porte. Avant de s’en aller, l’envoyé pontifical fit une petite révérence et dit d’un ton ferme :
    — C’était le dernier avertissement du souverain pontife. Maintenant, vous pouvez vous attendre au pire.
    Et il quitta la pièce, laissant Philippe Auguste très mal à l’aise.
     
    Philippe Auguste était bon chrétien ; il fut sincèrement bouleversé par les menaces du pape. Mais son amour pour Agnès était si grand qu’il répugnait à envisager une séparation même provisoire. Des conseillers lui suggérèrent d’installer la reine dans un endroit proche de Paris et de la rencontrer secrètement ; il refusa, disant que, céder à Innocent III, c’était humilier Agnès devant toute l’Europe.
    Le pape patienta pendant dix mois. Finalement, excédé, il fit se réunir un concile à Dijon, le 6 décembre 1199, et l’interdit fut prononcé…
    C’était là le « pire » annoncé par le légat.
    Quand il apprit la nouvelle, Philippe Auguste, pâle et tremblant de colère, eut une réaction qui étonna tout le monde. Il lança l’ordre d’arrêter le légat du pape !… Mais celui-ci avait déjà, fort prudemment, passé la frontière.
     
    Le peuple fut consterné en apprenant le malheur qui venait de s’abattre sur la France.
    — La reine Agnès est une sorcière bien plus dangereuse que la reine Ingeburge, disait-on, car il a fallu qu’elle use d’un charme pour tenir ainsi le roi en son pouvoir.
    Et, dans toutes les villes du royaume, on critiqua violemment l’attitude de Philippe Auguste. Personne ne comprenait, en effet, qu’un souverain pût accepter avec autant de désinvolture d’exclure la France de la chrétienté à cause d’une femme ! C’est à ce moment que l’on commença à désigner Agnès par le nom que lui avait donné le pape dans une de ses lettres : l’ Intruse…
    Lorsque la terrible sentence fut exécutée et que toute la vie religieuse eut été paralysée, les plaintes devinrent plus furieuses encore. Il est vrai que les effets de l’interdit étaient épouvantables.
    Voici ce que dit Rodulph, moine cistercien qui vivait à cette époque : « Quel aspect misérable ! Les portes des églises et des couvents étaient verrouillées. On en chassait les chrétiens comme des chiens. Il n’y avait plus de service religieux, ni de sacrements du corps et du sang de N.-S . Plus de foule se réunissant les jours de fêtes saintes. Aucun mort ne fut enseveli selon le rite chrétien. Les cadavres, gisant par-ci, par-là, empestèrent l’air et inspirèrent une indicible terreur aux survivants. »
    Philippe Auguste savait que tout son peuple lui reprochait de ne point céder devant le pape ; il savait que tous ces morts qu’on n’enterrait plus pouvaient provoquer des épidémies terribles ; il savait qu’en ces temps de foi ardente personne ne lui pardonnait de laisser fermer les églises ; pourtant, il ne pouvait se résoudre à se séparer

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