Les Amours qui ont fait la France
effet, qu’aux côtés de la reine. Pour elle, il désertait son château de Provins, tout fleuri de roses, où pourtant il avait su grouper les plus jolies femmes de Champagne et les plus délicats chevaliers en une cour d’amour qui avait bonne renommée… Mais il était ridicule de prendre Thibaut pour un assassin.
C’était un tendre que sa passion sans espoir rendait infiniment triste. « Fréquemment, nous dit une chronique du temps [64] , il lui souvenait du doux regard de la reine et de sa belle contenance. Lors, il entrait dans son cœur une pensée douce et amoureuse. Mais, quand il se rappelait qu’elle était si haute dame, de si bonne vie et si pure, sa douce pensée amoureuse se muait en grande tristesse. »
Hélas ! le pauvre allait être bientôt entraîné, à cause de son amour, dans des aventures extraordinaires dont certaines mettraient en péril la couronne de France…
Pendant que le trouvère champenois se consumait d’amour, Blanche de Castille, que Louis VIII mourant avait désignée comme gardienne du royaume, n’avait qu’une idée : faire sacrer à Reims son fils aîné.
Devinant que certains grands vassaux n’allaient pas tarder à lui causer des ennuis, elle profita de l’occasion pour savoir sur qui elle pouvait compter ; et elle invita à la cérémonie tous les barons, tous les grands officiers, tous les dignitaires religieux, tous les représentants des communes…
— Venir au sacre, dit-elle au chancelier Barthélémy de Roye, c’est accepter de rendre hommage à mon fils, donc de faire serment de fidélité. Nous allons voir ceux qui répondront à l’invitation…
Les plus importants vassaux, qui n’avaient alors qu’un espoir : voir s’effondrer le royaume pour s’y tailler de beaux domaines, firent savoir qu’ils ne viendraient pas à Reims. Certains, comme le comte de Bretagne, les princes de la maison de Dreux et les seigneurs poitevins, furent presque grossiers dans leur réponse. D’autres, plus habiles, répondirent hypocritement que la mort du roi les avait plongés dans une douleur si grande qu’ils n’en étaient pas encore sortis, et qu’en conséquence il leur était impossible de se rendre à une fête pour le moment… D’autres, enfin, acceptèrent de venir si on les payait…
Ainsi, Blanche de Castille, dès les premières semaines de sa régence, sut à quoi s’en tenir sur les sentiments de ses vassaux. Tous, pourtant, n’étaient pas hostiles à la Couronne. Et le 29 novembre 1226, à Reims, il y eut tout de même, autour de l’enfant qu’on allait sacrer roi de France, une grande assemblée de seigneurs heureux de prononcer leur serment d’allégeance.
Toutefois, le plus fidèle, celui qui offrait à Blanche non seulement sa foi de loyal chevalier, mais encore toute sa tendresse d’amoureux, n’était pas là.
Pourquoi ? Parce qu’un incident regrettable s’était produit aux portes de la ville. Lorsque le comte de Champagne avait voulu entrer dans Reims, des bourgeois s’étaient jetés sur lui en criant :
— Arrière, empoisonneur ! Arrière, assassin ! Tu es indésirable au couronnement !…
Et ils l’avaient repoussé hors des murs. Alors Thibaut, croyant que ces gens obéissaient à un ordre de la reine, était retourné dans son château de Troyes, le cœur ulcéré. Et, sans plus tarder, il avait décidé de se joindre à la ligue des barons qui s’apprêtaient à lever l’étendard de la révolte.
Deux mois plus tard, il se trouvait avec eux à Chinon, où se discutait un plan d’attaque.
— Nous allons faire fuir « l’étrangère », disait Enguerrand de Coucy qui, déjà, s’était fait faire une couronne royale.
— Nous la renverrons dans sa Castille, ricanait Pierre, comte de Bretagne, surnommé Mauclerc pour avoir jeté le froc aux orties. Là, elle pourra en toute tranquillité s’ébattre nuitamment avec les évêques de son choix…
Tandis que les barons perdaient ainsi leur temps en palabres et en plaisanteries de corps de garde, Blanche de Castille agissait. Un jour, une puissante armée arriva devant Chinon. La reine venait surprendre les révoltés.
Ceux-ci n’avaient pas prévu une offensive aussi brusque. Ils furent affolés, se querellèrent et finirent par accepter d’engager des négociations.
Auparavant, chacun dut venir se présenter seul devant la reine. Quand ce fut son tour, le comte de Champagne se prosterna en tremblant. Blanche alors le
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