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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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passait déjà pour avoir la mémoire courte, Hues de la Ferté rima aussitôt une chanson destinée à rappeler les accusations portées naguère contre Thibaut :
     
    Par le Fils de sainte Marie,
    Qui en la croix fut supplicié,
    Il a fait telles choses dans sa vie
    Pour lesquelles il mériterait
    D’être cité en justice.
    Seigneur Dieu, vous le savez bien
    Il ne se défendrait pas,
    Car il se sent trop coupable.
    Seigneurs barons, qu’attendez-vous ?
     
    Comte Thibaut, doré d’envie,
    Frété de félonie,
    Vous n’êtes pas très renommé
    Pour faire chevalerie.
    Mais vous êtes plus habile
    À la science de médecine [68]
    Vous êtes vieux [69] , sale, boursouflé,
    Vous avez tous les vices.
     
    À une époque où les journaux n’existaient pas, la chanson satirique tenait lieu à la fois de presse d’opposition et de « presse à scandale ». Aussi, les couplets venimeux que les barons faisaient composer par Hues de la Ferté amusaient-ils beaucoup les gentils sujets du royaume.
     
    Pendant ce temps, au Louvre, que se passait-il entre Blanche et Thibaut ?
    Bien malin, en vérité, qui aurait pu le dire sans se tromper, car si la reine était toujours extrêmement tendre avec son trouvère, rien ne prouvait que leurs relations fussent aussi intimes que Hues de la Ferté voulait le laisser entendre.
    Elle se montrait avec lui en tout lieu ; mais le jeune roi les accompagnait généralement. Elle lui souriait tendrement, mais personne ne les avait jamais vus se tenir par la main. Elle restait de longues heures en tête à tête en sa compagnie, mais pas une demoiselle de la suite ne les avait tout de même surpris au lit…
    Une seule chose était certaine. Les chansons que composait Thibaut n’étaient plus tristes ; au contraire.
    Et l’une d’elles semblait même donner raison à ceux qui clignaient de l’œil. La voici :
     
    Alors je me mis à lui demander
    Tout doucement
    Qu’elle daignât me regarder
    Et me faire autre visage.
    Elle commence à pleurer
    Et dit à l’instant :
     
    — Je ne puis vous écouter,
    Ne sais ce qu’allez chantant.
    Près d’elle m’approche et dis :
    — Hé belle, pour Dieu, pitié.
    Elle rit, et répondit :
    — N’en dites rien à personne !
     
    Ce « N’en dites rien à personne » en dit long ; mais constitue-t-il une preuve ? Non. C’est pourquoi, depuis sept cents ans, les amours de Blanche de Castille et de Thibaut de Champagne font l’objet de controverses passionnées. De nombreux historiens se portent garants de la vertu de Blanche de Castille avec une fougue qui pourrait laisser croire qu’il s’agit de leur propre fille. D’autres soutiennent, sans apporter plus de preuves, mais aussi furieusement, que la reine Blanche n’était qu’une vicieuse et qu’une hypocrite. Devant tant de partialité, on me permettra de me ranger à l’avis du grave Paulin Paris, qui écrit dans son Romancero françois : « Je chercherai donc ici la vérité historique dans toute sa libre nudité ; persistant à voir dans Blanche de Castille une princesse dont la sagesse et l’habileté ne peuvent être sérieusement contestées, mais que les plus admirables qualités n’ont peut-être pas entièrement exemptée des faiblesses de son sexe. »
    Cet historien, que l’on ne peut vraiment suspecter de légèreté, ajoute d’ailleurs, quelques pages plus loin : « Après tout, notre grande reine eût-elle été si coupable, quand même elle n’eut pas désespéré l’amant qui, tant de fois, lui avait sacrifié ses plus chers intérêts ? N’était-elle pas maîtresse d’elle-même après la mort de son mari qu’elle avait aimé, qu’elle avait tant regretté ? Et puis la France eut-elle à se plaindre de voir, par cette passion, ses intérêts abandonnés ou négligés ? »
    Certes non ! Et ce dernier point devrait bien mettre tout le monde d’accord.
     
    Le 11 juillet 1230, un fait vint troubler de façon paradoxale les amours de la reine : Thibaut perdit sa femme.
    Bien qu’il n’ait jamais ressenti pour elle une grande passion, il en eut quelque chagrin et s’en fut à Provins pour organiser les funérailles. Le lendemain de la cérémonie, il reçut une visite inattendue : Pierre Mauclerc, comte de Bretagne, qui voulait à toute force et par tous les moyens le rallier au parti des barons, venait lui proposer sa fille Yolande.
    Thibaut, malgré son amour pour la reine, fut ébloui. Il savait que Yolande était

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