Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
Vom Netzwerk:
elle fut assez près pour distinguer les couleurs de l’ennemi, elle pâlit.
    C’était Thibaut qui, le premier, venait engager le combat.
    Toute l’armée royale se tint prête à subir le choc.
    — Préparez-vous à charger ! cria le maréchal Jean Clément.
    L’ennemi n’était plus qu’à un jet de pierre. Tout à coup, les soldats de Blanche de Castille virent les hommes sur lesquels ils s’apprêtaient à s’élancer agiter gaiement leurs écus et leurs oriflammes. Puis un cavalier s’avança vers la reine, mit pied à terre et s’agenouilla. C’était Thibaut, qui, au dernier moment, n’avait pu se résoudre à combattre celle qu’il aimait.
    — Ma Dame, dit-il, je ne serai plus jamais votre adversaire. Je vous offre mes troupes pour que nous luttions ensemble contre vos ennemis…
    Quelques semaines plus tard, grâce à l’appui de Thibaut, les révoltés, enfermés dans le château de Bellême, devaient capituler.
    Une fois de plus, l’amour avait sauvé la couronne de France !
    Alors, Blanche considéra Thibaut avec un mélange de reconnaissance et de tendresse ; puis elle le ramena au Louvre où il lui chanta, un soir, cette chanson quasi désespérée :
     
    Chanson ferai, car désir m’en a pris,
    Sur la meilleure qui soit en tout le monde.
    Sur la meilleure ? Je crois que fais méprise
    Si telle était, par la joie de Dieu !
    Elle eût bien pris de moi quelque pitié
    Qui suis tout sien et suis à son service.
    Pourquoi, mon Dieu ! pitié ne loge-t-elle
    En sa beauté ? Dame que je supplie,
    Je sens le mal d’amour pour vous :
    Le sentez-vous pour moi ?
    La grande beauté, qui m’éprend et m’agrée,
    Qui sur toutes est la plus désirée,
    Si bien retient mon cœur en sa prison.
    Dieu ! je ne pense qu’à elle :
    À moi que ne pense-t-elle ?
     
    Quand Thibaut eut terminé, il s’aperçut que la reine pleurait. Allait-elle enfin cesser d’être inhumaine ?
     
    Quelques jours après, les habitués du Louvre remarquèrent dans l’attitude de Blanche de Castille à l’égard de Thibaut un changement qui les étonna. Elle était tendre. Elle le couvait d’un regard un peu trop lourd, et l’on en conclut que le trouvère avait réussi à se frayer un chemin vers le lit royal.
    Certains, qui savaient manier habilement la gaudriole, firent courir des plaisanteries fort grivoises dont tout le palais se régala. D’autres se contentaient de cligner de l’œil ; mais avec un air si égrillard que l’on n’aurait su dire lesquels, des muets ou des bavards, étaient les plus déshonnêtes…
    Naturellement, la « nouvelle » ne tarda pas à franchir les murailles du Louvre et à se répandre dans Paris.
    Le surlendemain, toute la ville s’en entretenait comme d’une chose certaine.
    — Ce trouveur de chansons lui a joué son air de flûte ! disaient les commères.
    — C’était tout prévu. Elle est espagnole. Elle a le sang chaud !
    Les ennemis de la Couronne profitèrent de l’occasion qui leur était offerte pour salir Blanche de Castille. Des pamphlets coururent le pays. On traita la reine de débauchée et de sournoise. Des poètes allèrent jusqu’à la baptiser Dame Hersent , du nom de l’impudique et dévote femelle d’Ysengrin (le loup) dans le Roman de Renart…
    Puis un trouvère à la solde des barons, Hues de la Ferté, qui était d’ailleurs le cousin d’Enguerrand de Coucy, composa des chansons pleines de fiel que tout Paris sut bientôt. Il accusait, sans aucune preuve, Thibaut de Champagne de se mêler des affaires de l’État, et il soupirait :
     
    La France est bien abâtardie.
    Entendez-vous, seigneurs barons,
    Quand une femme la tient en sa puissance
    Et une femme telle que vous savez.
    Lui et elle côte à côte,
    La conduisent de compagnie.
    Celui qui est depuis peu couronné
    N’a de roi que le nom…
     
    La reine fut fort irritée en apprenant que de telles chansons étaient chantées par le peuple. Pourtant, au lieu de demander à Thibaut de regagner son château de Provins, où l’attendait Agnès de Beaujeu son épouse, ce qui eût coupé court à toutes les calomnies, elle le garda près d’elle [67] .
    Les barons triomphèrent.
    — Voyez, dirent-ils. Elle ne veut point se séparer de son amant. Même au prix de son honneur. Or souvenez-vous que ce Champenois a empoisonné Louis VIII. C’est donc de l’assassin de son mari que Blanche de Castille est la maîtresse…
    Et pour le bon peuple de France, qui

Weitere Kostenlose Bücher