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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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sœur ? demanda Yvette qui n’avait pas vu Rose-Aimée Turcotte depuis
plusieurs semaines.
    – Ben occupée,
comme d’habitude, répondit le célibataire d’un air pénétré.
    – Comment ça ?
demanda Ernest. Viens pas me dire qu’elle est en train de préparer son
trousseau pour se marier ?
    – Ben non, Ernest.
Elle parle
p as encore de se marier. Elle
veut pas se presser pour rien. Elle dit qu’elle a tellement le choix qu’il faut
qu’elle prenne son temps pour pas se tromper.
    – Elle fait
bien, approuva Yvette en toussant pour dissimuler son sourire.
    Rose-Aimée
Turcotte avait le choix d’un prétendant ! Elle était bonne, celle-là !
Personne à Saint-Jacques-de-la-Rive ne se souvenait d’avoir entendu dire qu’un
seul homme avait eu le courage de la fréquenter. Son apparence extérieure
autant que son manque de goût pour le travail avait probablement découragé le
plus téméraire des célibataires de la région.
    Il était de notoriété publique que Rose-Aimée Turcotte était au moins
aussi paresseuse que son frère aîné. Elle avait aussi en commun avec ce dernier
un menton en galoche et un gros nez bourbonien. Mais cette laideur, somme toute
sympathique chez l’un, devenait peu engageante chez l’autre. En général, on
avait du mal à éprouver de la sympathie à l’égard de cette femme à la taille
imposante qui se donnait des airs assez ridicules d’intellectuelle parce qu’elle
occupait la plus grande partie de son temps à lire tout ce qui lui tombait sous
la main. Pour couronner le tout, son intérieur était d’une malpropreté
repoussante et ses vêtements, ainsi que ceux de son frère, n’étaient pas
entretenus. Se bercer du matin au soir avec un livre dans ses mains, voilà tout
ce que la célibataire semblait apprécier. Ce n’était pas pour rien qu’on se
moquait d’elle dans son dos et que l’expression « sans-dessein comme Rose- Aimée » était entrée dans le vocabulaire courant des habitants de
Saint-Jacques-de-la-Rive.
    –  Par contre,
vous savez que Germain Fournier est à la veille de se marier, reprit Elphège
Turcotte en avalant la dernière bouchée de son dessert.
    – Déjà !
s’exclama Yvette.
    – Il paraît
que c’est pour le mois prochain. Je me suis arrêté tout à l’heure pour l’avertir
de la réunion. Vous devriez voir le dedans de la maison, vous autres. Ça reluit
en pas pour rire. Il a fait tout un grand ménage, le Germain. On pourrait presque
manger à terre.
    – Il a fait
ça tout seul ? s’étonna Yvette.
    – Ça en a
tout l’air. C’est pas pour rien qu’il a l’air fatigué.
    – Eh bien, on
dirait que la petite servante du curé Lussier a de la poigne. Elle l’a décidé à
nettoyer la maison avant de s’installer, conclut Yvette avec un bon gros rire.
    – Peut-être, reprit
Elphège Turcotte, mais elle ferait mieux de faire attention, la petite. Si
Germain a hérité juste un peu du caractère de sa mère, elle va comprendre sa
douleur. Dans son jeune temps, si je me rappelle ben, la mère Fernande était
pas un cadeau. Quand elle décidait de mener le diable dans la maison, je te dis
que ça revolait de tous bords tous côtés.
    Le
lendemain soir, il y avait beaucoup plus de circulation que d’habitude aux abords
de l’église de Saint-Jacques-de-la-Rive, plus même que durant le mois de mai où
un bon nombre de femmes et d’enfants de la paroisse venaient réciter le
chapelet à l’église chaque soir, à dix-neuf heures, en compagnie du curé
Lussier. Ce soir-là, beaucoup d’hommes étaient venus au village, mais avaient
préféré demeurer à l’extérieur de l’église pour se rassembler devant le magasin
général d’Hélèna Pouliot. De toute évidence, certains attendaient que leur
femme quitte le temple pour les accompagner à la réunion du conseil municipal. Lorsqu’ils
avaient vu leur curé sortir du presbytère en compagnie de son vicaire pour se
diriger vers l’église, peu d’entre eux avaient emboîté le pas aux deux ecclésiastiques
pour participer à la cérémonie religieuse, et cela, malgré le regard furieux de
leur pasteur.
    Trente minutes
plus tard, les portes de l’église livrèrent passage aux fidèles et la plupart
des adultes se dirigèrent sans se presser vers l’école du village où devait se
tenir la réunion convoquée par le maire. L’air était si doux que bien peu
avaient le goût d’entrer s’emprisonner dans la petite salle.

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