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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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plaignaient d’avoir à patauger dans une boue
épaisse aussitôt que la pluie se mettait à tomber. Les femmes, surtout, n’appréciaient
pas de voir leurs souliers et le bas de leurs robes salis dès qu’elles avaient
quelques pas à faire.
    – C’ est ce qui arrive quand on vote du bon bord, fit
remarquer Hormidas Joyal d’une voix tonnante.
    – Ou quand on
a toujours les deux mains dans les poches des payeurs de taxes, dit Ernest
Veilleux assez fort pour que le député l’entende et devienne rouge comme une
pivoine.
    L’approbation
bruyante de quelques voisins poussa le maire à jeter un regard furieux à son
administré.
    – Est-ce qu’on
peut savoir quand est-ce que ça va se faire ? demanda un vieil homme sans
se donner la peine de demander la parole.
    –  À la fin de
juin, monsieur Beaudet, répondit Wilfrid Giguère.
    – Ça serait
peut-être le temps de dire au monde où est-ce que ces trottoirs-là vont être
posés ? fit remarquer Honoré Beaudoin, en se levant de façon à être bien
vu par l’assistance.
    Immédiatement,
le silence tomba sur la salle où on venait d’allumer des lampes à huile. À l’extérieur,
le soleil était en train de se coucher dans une explosion extraordinaire de
teintes mauves et rouges.
    Personne
n’ignorait la sourde opposition existant entre le maire et l’échevin Beaudoin. Ce
dernier, un conservateur convaincu, ne perdait jamais une occasion de mettre en
difficulté le premier magistrat de la municipalité et ne se cachait pas pour
claironner partout son appui à Adélard Crevier qui allait briguer le poste de
maire aux prochaines élections.
    – Par quatre
voix contre une, le conseil a décidé de les installer à
partir de la limite du presbytère jusque chez madame veuve Bertrand Deschênes, annonça
le maire.
    – Cré maudit !
s’exclama un cultivateur dans la salle, on rit plus. Ça fait une bonne longueur
de trottoir, ça !
    – Deux cent
cinquante pieds, Marcelin, deux cent cinquante pieds, répondit Wilfrid Giguère
avec une fierté évidente.
    – Ce que
monsieur le maire oublie de dire, reprit Beaudoin en faisant claquer ses
bretelles sur sa large poitrine, c’est que les deux cent cinquante pieds vont
être juste d’un côté de la route, du côté de l’église.
    Immédiatement,
un tollé de protestations, encouragées par les opposants au maire, s’éleva dans
l’assistance. Hélèna Pouliot se leva alors, comme mue par un ressort.
    – Comment ça,
juste d’un côté de la route ? demanda-t-elle sur un ton rageur.
    – On était
tout de même pas pour installer les nouveaux trottoirs sur l’autre côté de la
route, Hélèna, se défendit le maire, en adoptant un ton raisonnable. Ça aurait
pas été normal que le monde marche sur un beau trottoir pour aller à ton magasin
les pieds ben au sec et se salissent en traversant le chemin pour aller à l’église.
    Le curé Lussier eut un mince sourire en regardant le visage furieux de
la propriétaire du magasin général dont le chapeau couvert de divers fruits en
plastique avait pris une inclinaison dangereuse.
    –  Peut-être
bien, Wilfrid Giguère. Mais t’as pas pensé que tu pourrais en faire installer
cent vingt-cinq pieds de chaque côté du chemin à partir du presbytère ? Comme
ça, tout le monde serait content !
    – C’ est ce que j’avais proposé au conseil, clama
Beaudoin en se levant et en se tournant vers l’auditoire.
    – Je pense
pas que tout le monde serait content de ça, trancha le premier magistrat de
Saint-Jacques-de-la-Rive, à bout de patience. Il a déjà été décidé que les deux
cent cinquante pieds de trottoir de cette année vont être installés du côté est
et, l’année prochaine ou dans deux ans, on en construira autant de l’autre côté,
si on a une autre subvention du gouvernement.
    – C’est ça qu’on
appelle avoir une maudite tête de cochon ! s’écria Honoré Beaudoin, triomphant.
    Un
peu plus loin, Ernest se pencha vers Crevier pour lui dire à l’oreille :
    – Giguère
vient de se venger d’Hélèna parce qu’il sait qu’elle a toujours voté bleu. C’est
cochon ce qu’il a fait là.
    – Inquiète-toi
pas pour Hélèna Pouliot, répliqua le forgeron. Elle va lui faire payer au
centuple ce coup-là.
    Hubert Gendron lança un regard ennuyé au député demeuré imperturbable. De
toute évidence, le jeune homme était mal à l’aise de se retrouver sur l’estrade,
obligé d’assister à

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