Les années folles
pour avoir
peut-être l’occasion de l’apercevoir à l’une des fenêtres de la maison d’Agathe
Cournoyer ou sortant du presbytère.
La chance l’avait
servi. Gabrielle était assise sur le balcon en train de broder un napperon. Il
avait arrêté sa voiture un instant devant la maison sans en descendre dans l’unique
intention de saluer la jeune fille. Cette dernière, même si elle l’avait aperçu,
n’avait pas esquissé le moindre mouvement pour se lever.
– Bonsoir, Gabrielle,
l’avait-il saluée d’une voix hésitante.
– Tiens, bonsoir.
Qu’est-ce que tu fais au village ? lui avait demandé la jeune femme sans
manifester aucune chaleur.
Elle connaissait
très bien la raison de sa présence au village puisque le curé Lussier n’avait
pas cessé de parler de l’assemblée avec l’abbé Martel durant tout le souper.
– Je viens à
l’assemblée, comme tout le monde. Si je m’étais écouté, je serais resté, comme
toi, ben tranquille à la maison. Bon, repose-toi ben, avait-il ajouté.
Au moment où il
allait faire avancer son attelage, Gabrielle avait semblé prendre une décision
soudaine et elle s’était levée. Le moment était peut-être venu de s’afficher
encore plus ouvertement avec celui qui allait devenir son mari dans quelques
semaines.
– Est-ce que
tu m’emmènes avec toi ? avait demandé la jeune servante sur un ton détaché
en vérifiant du bout des doigts l’état de son chignon.
Elle
était consciente de plaire à Germain en posant ce geste aguichant.
– Si tu veux,
pas de problème, avait-il répondu, enthousiaste. Veux-tu y aller à pied ou en
boghei ?
– Il fait
tellement beau qu’on pourrait bien y aller à pied.
Elle
avait quitté le balcon et l’avait rejoint sur la route après qu’il eut attaché
son cheval devant la maison. Elle avait aussitôt passé sa main sous son bras et
le couple avait pris la direction de l’école du village située à quelques
centaines de pieds de la maison de la vieille ménagère du curé.
En une seule
occasion durant la soirée, Gabrielle était sortie de son mutisme et ce fut pour
dire à quel point elle trouvait bel homme l’ingénieur Gendron. Germain n’avait
pas dit un mot. De toute évidence, il avait deviné que sa fiancée l’avait comparé
avec celui qui expliquait la construction du futur pont et la comparaison n’était
pas à son avantage. La remarque de la jeune fille l’avait blessé, mais il n’en
avait rien laissé paraître.
Chapitre 24
Les noces
Juin
était arrivé sans crier gare avec ses longues journées ensoleillées entrecoupées
de pluies rafraîchissantes. Soudainement, on aurait dit que tous les travaux à
effectuer étaient devenus plus urgents et ne souffraient aucun retard. Même si
on travaillait de l’aube au crépuscule, il restait toujours quelque chose de
plus à faire avant de se mettre au lit.
À Saint-Jacques-de-la-Rive, rares étaient
les cultivateurs qui se reposaient après le souper à cette époque de l’année ;
la plupart se remettaient à la tâche jusqu’au coucher du soleil. À ce
moment-là, épuisés, ils se laissaient tomber sur leur vieille chaise berçante
placée sur leur balcon pour profiter de la fraîcheur relative apportée par la
tombée de la nuit. Durant quelques minutes, ils détendaient leurs muscles
fatigués tout en planifiant le labeur du lendemain.
Chez les Veilleux,
Jérôme venait de monter se coucher, tandis que Léo et Jean-Paul se
chamaillaient avec Anne, assis dans la balançoire à deux sièges installée près
de la maison. Sur le balcon, Ernest venait d’allumer sa pipe quand la porte s’ouvrit
dans son dos , livrant passage à sa femme qui s’essuyait
le visage avec un large mouchoir.
– Mon Dieu qu’il fait chaud, se plaignit
Yvette en s’assoyant dans l’autre chaise berçante placée sur le balcon.
– Ouais et en
plus, c’est humide, fit son mari en écrasant un maringouin qui venait de le
piquer dans le cou. Je pense qu’on pourrait ben avoir un orage si le vent se
lève pendant la nuit.
– T’as pas
chaud avec ta combinaison d’hiver ?
– Ben non. Ça
fait peut-être mille fois que tu me demandes ça depuis qu’on est mariés. Et ça
fait mille fois au moins que je te dis que c’est parfait pour absorber la sueur.
– J’ai chaud
pour toi.
– Laisse
faire.
Soudain,
la voix des jeunes s’éleva en provenance de la balançoire.
– Léo, Jean-Paul,
all ez vous coucher. Vous
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