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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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qui annonçait l’arrivée imminente de son aînée qu’elle
n’avait pas revue depuis le mois d’avril précédent. La religieuse avait beau n’être
qu’à Sorel, à une trentaine de milles de Saint-Jacques-de-la-Rive, c’était
comme si elle était au bout du monde.
    Adrien avait tout
de même été le premier à apercevoir l’attelage et il avait prévenu sa mère
avant de s’esquiver vers l’étable où ses frères avaient commencé à faire le
train avant le retour de leur père. Yvette s’était alors empressée de sortir
sur le balcon en compagnie de ses deux filles pour accueillir les visiteuses.
    Le boghei était à
peine immobilisé que sœur Gilbert s’était précipitée vers sa mère pour l’embrasser.
La religieuse était une grande femme joviale et bien en chair dont le dynamisme
et le rire communicatif avaient longtemps ensoleillé la maison paternelle. Elle
avait toujours été la préférée de sa mère qui ne s’était jamais tout à fait
résignée à son entrée en communauté. Sa Marcelle avait été une aide précieuse
dans la maison et sa bonne humeur avait souvent eu le don de désamorcer les
colères de son père.
    Après
avoir présenté sa compagne, sœur Clémence, une petite religieuse aussi maigre
que discrète, sœur Gilbert avait embrassé ses deux jeunes sœurs.
    – Je crois
ben qu’on te laisse pas mourir de faim au couvent, avait fait remarquer Céline
en jetant un regard critique à la silhouette bien enrobée de son aînée.
    – Tu sauras, l’haïssable,
qu’il est pas écrit nulle part que les servantes du Seigneur doivent se laisser
mourir de faim, avait répliqué la religieuse dans un éclat de rire.
    – Ça,
je te crois, mais tu pourrais peut-être en laisser un peu pour les autres, non ?
avait poursuivi la jeune fille en indiquant la petite sœur Clémence occupée à
tirer du boghei un sac en tapisserie dans lequel elle transportait ses effets
personnels.
    Il
avait suffi de quelques instants pour que l’aînée des Veilleux s’empare d’un
tablier et aide à la préparation du repas, comme si elle n’avait jamais quitté
le toit paternel. Le repas et la soirée avaient été joyeux et animés.
    Le
lendemain avant-midi, Ernest et les garçons revenaient du champ avec une charrette
chargée de foin quand un voisin, Georges Hamel, s’était arrêté dans la cour des
Veilleux pour laisser descendr e.
    Albert et Maurice Veilleux. Immédiatement, le visage du père s’était
fermé en apercevant ses deux fils.
    Si
Albert était un jeune homme costaud à l’abondante chevelure brune rejetée en
arrière, Maurice, son frère cadet, était nettement plus petit et plus malingre.
Mais l’un et l’autre possédaient les mêmes yeux bruns vifs et des tache s de rousseur sur les joues.
    – Baptême !
jura leur père entre ses dents. Ils se sont tous donné le mot en fin de semaine
pour nous empêcher de finir notre ouvrage !
    Le
petit homme ne fit pas un geste pour aller au-devant des visiteurs. Il feignit
de ne pas les avoir vus. Sans se presser, il fit avancer la charrette jusque
devant la grange, sous la porte du fenil.
    – Je monte
dans la tasserie avec Jean-Paul, dit-il sèchement. Vous deux, avait-il lancé à
Jérôme et à Léo, essayez de nous fournir en déchargeant.
    – Et moi, p’ pa ? demanda le petit Adrien qui ne
se tenait jamais bien loin de son père.
    – Toi,
tu donnes à boire au cheval pendant qu’on décharge, répondit son père avec
impatience.
    Même
après trois ans, Ernest Veilleux n’était pas parvenu à pardonner à son fils Albert
de l’avoir laissé tomber pour aller travailler pour le Canadien Pacifique. À
ses yeux, il fallait être un maudit grand sans-cœur pour partir comme ça, en
dépit du fait que son père ne pouvait compter sur l’aide d’aucun de ses fils
pour cultiver la terre et nourrir sa mère et ses cinq frères et sœurs. Maurice
était déjà chez les frères maristes et ce n’était pas Jérôme, âgé de douze ans
à l’époque, qui pouvait le remplacer.
    En
l’occurrence, le cultivateur faisait preuve de mauvaise foi. Il ne tenait absolument
pas compte du fait que le départ de son fils aîné avait été provoqué, en 1918, par
la décision du gouvernement Borden de mettre fin à l’exemption du service militaire
qui avait été consentie aux fils de cultivateur. Lui, le conservateur, ne
pouvait décemment s’en prendre à un gouvernement bleu qui avait fait voter la
conscription

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