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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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Au fil des ans, il s’était même formé deux clans dans la paroisse. D’un côté, on
retrouvait Ernest Veilleux, quelques conservateurs et les opposants au maire
Giguère. On avait tendance à associer à ce groupe, sans preuve véritable, le
curé Lussier, le cousin d’Ernest. L’autre clan comprenait Eugène Tremblay, son
beau-frère, le maire, et, évidemment, les rouges de la paroisse.
    Le cultivateur entra dans le poulailler pour jeter un coup d’œil aux
réparations effectuées par ses fils avant de se diriger vers la maison, suivi
par les trois garçons.
    –  La jument
est ferrée, on va être tranquilles un bon bout de temps, dit-il en accrochant
son chapeau à l’un des crochets fixés au mur, près de la porte de la cuisine.
    – Bon. Approchez.
Le dîner est presque prêt, fit sa femme en déposant sur la table un plat de
soupe fumante.
    Il
y eut un court silence dans la pièce pendant que tout monde prenait place
autour de la grande table. Lorsque tous furent assis, le père récita le
bénédicité et on se signa avant de commencer à se servir.
    – Ça me
surprendrait pas que la mère Fournier aille plus mal, laissa tomber le père de
famille après avoir avalé quelques bouchées.
    – Le docteur
Courchesne est encore là ?
    – Je pense
que oui. Il me semble avoir reconnu son cheval et sa voiture en passant devant
la maison.
    La
ferme de Laurent Fournier était la cinquième du rang Sainte-Marie. Elle était
située entre celle de Bruno Pierri et celle de Georges Hamel, le voisin
immédiat des Tremblay.
    Pour
le passant, toutes les maisons du rang auraient pu sembler identiques. En fait,
elles ne se distinguaient les unes des autres que par le degré de soin qu’en prenaient
leurs propriétaires. La plus remarquable était probablement celle habitée par
Bruno Pierri et son épouse, parce que ses occupants l’avaient blanchie à la
chaux le mois précédent et avaient peint tous les cadres des ouvertures rouge
vif. Par ailleurs, celles des Veilleux, des Tremblay et des Hamel étaient d’une
propreté méticuleuse et leurs parterres fleuris témoignaient de la fierté de
leurs habitants. En réalité, il n’y avait dans le rang Sainte-Marie que la
maison et les bât iments des Tougas et ceux des Fournier
qui paraissaient mal entretenus, et ce, pour
des raisons tout à fait différentes. Antonius et Emma Tougas étaient
désorganisés et un peu portés à la paresse, alors que Germain Fournier ne
parvenait pas à tout faire seul, soit prendre soin de sa mère malade et cultiver
la ferme familiale.
    – Ça prouve
pas grand-chose, fît remarquer Thérèse Tremblay en se versant
une tasse de thé. Le docteur est venu la voir au moins trois fois depuis deux
semaines.
    – Oui,
mais il y avait aussi monsieur le curé chez les Fournier. J’ai vu le bedeau en
train de fumer sa pipe sur le perron. Je pense que le père Groleau l’attendait.
Tu sais comme moi ce que ça veut dire. Monsieur le curé doit être venu donner
les derniers sacrements à la mère Fournier.
    – Pauvre
femme, murmura Thérèse, attristée par la fin prochaine de sa vieille voisine.
    Un
peu plus loin, chez les Fournier, aucun bruit ne s’échappait de la petite maison
grise sur le côté de laquelle étaient attachés deux attelages. À l’intérieur, Florence Cohen, les traits tirés
par une longue nuit de veille, sortit de la chambre de sa mère en s’essuyant
les yeux. Son frère Germain la suivit quelques instants plus tard et se laissa
tomber dans la vieille chaise berçante placée sous l’une des deux fenêtres de
la cuisine.
    Le docteur
Courchesne sortit de la pièce surchauffée en tirant derrière lui la porte de la
chambre occupée par la mourante.
    – J’ai fait
ce que j’ai pu, déclara à voix basse le vieux médecin en déposant sa petite
trousse noire sur la table de cuisine.
    Il
s’approcha de la cuve déposée sur le comptoir et il entreprit de se laver les
mains.
    – Je dois
aller voir madame Cloutier dans le rang Saint-Pierre, dit-il, mais je vais
repasser au milieu de l’après-midi, avant de retourner à Pierreville.
    – Merci, docteur,
fit la femme âgée d’une quarantaine d’années.
    – C’est
rare qu’une pneumonie pardonne à l’âge de votre mère, poursuivit le praticien. Elle
a beau avoir juste soixante-cinq ans, on dirait qu’elle a perdu le goût de se
battre.
    – Vous
savez, docteur, depuis la mort de p’ pa, il y
a quatre ans, elle a jamais plus été

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