Les années folles
les mains et vint accueillir le jeune homme au moment où
il s’apprêtait à frapper à la porte de la cuisine d’été où les deux femmes
travaillaient.
– Entre, Germain, l’invita-t-elle.
– Je voudrais pas trop vous déranger, madame Tremblay, fit l’autre,
intimidé. Ma mère vient de mourir et on sait pas trop quoi faire. Je me suis
dit que vous pourriez peut-être nous dire ce qui se fait d’habitude dans ces
cas-là.
Il était visible que le jeune homme faisait un réel effort en venant quémander de l’aide à une voisine. Dans
la paroisse, on le considérait depuis longtemps comme une sorte d’ours qui évitait
le plus possible les contacts avec les gens. Il vivait enfermé chez lui, limitant
ses visites au village au strict minimum.
Rares étaient les habitants de Sai nt-Jacques-de-la-Rive
qui l’avaient vu en train de sourire ou de rire. Il ne demandait rien à
personne et n’offrait r ien non plus. Si
Laurent et Fernande Fournier étaient d’un commerce plutôt agréable, leur fils n’avait pas hérité de ce trait de caractère, loin de là.
– Je vais y aller, déclara Thérèse Tremblay sur un ton décidé. Toi, tu vas aller prévenir monsieur le curé et monter à Pierreville t’entendre avec Desfossés pour les funérailles. En passant, oublie pas d’avertir le
docteur C ourchesne.
– Le docteur est venu cet avant-midi, madame
Tremblay. Il nous a dit qu’il repasserait durant l’après-midi, expliqua Germain
Fournier, visiblement soulagé.
– C’est
correct. Va faire le reste. Je vais aller rejoindre ta sœur dans deux minutes.
Le
jeune cultivateur reprit la route pendant que la voisine donnait des directives
à sa fille Claire.
– Occupe-toi
de préparer le souper avec Aline. Je serai peut-être pas revenue à temps pour
le faire. Après le souper, tu viendras me rejoindre chez les Fournier. Je pense
qu’on manquera pas d’ouvrage.
– Je pourrais
aller chercher Aline dans le champ et lui demander de faire le souper pour
aller vous aider tout de suite, proposa Claire.
– Non. C’est
mieux que tu restes. Je vais plutôt demander à Yvette Veilleux de venir m’aider
à faire la toilette de madame Fournier.
– Voulez-vous
que je demande à Clément ou à Gérald d’aller atteler pour vous conduire ? Ça
irait plus vite.
– Maintenant,
il y a plus rien qui presse, décréta sa mère, sur un ton philosophe.
Sur
ces mots, Thérèse Tremblay, la mine sévère, fixa sur sa tête un chapeau à large
bord pour se protéger du soleil et elle quitta la maison. Au lieu de tourner à
gauche à la sortie de la cour, elle prit à droite et se rendit chez les
Veilleux, ses voisins immédiats. Tout en marchant, elle souhaita ne pas
rencontrer Ernest Veilleux avec qui son mari était brouillé depuis des lunes. Avant
même de pénétrer dans la cour, elle vit Yvette Veilleux en train de travailler
avec ses filles Céline et Anne dans son grand jardin.
– On peut pas
dire que t’as peur de la grosse chaleur, lança Thérèse en s’approchant de sa
voisine qui se relevait péniblement en se tenant les reins.
– J’aime pas
ça plus qu’il faut, fit Yvette qui enleva un instant son large chapeau de
paille pour s’éventer, mais ce jardin-là, il va bien falloir le vider et le
nettoyer un jour.
– Ah ça !
– As-tu besoin de quelque chose ? lui
demanda Yvette, réalisant brusquement que sa voisine n’avait pas pour habitude
de faire des visites de politesse au milieu de la journée.
– Bien, je
suis venue t’apprendre que madame Fournier vient de mourir et que ses deux
enfants ont pas trop l’air de savoir quoi faire. Je me suis dit qu’on pourrait
peut-être aller leur donner un coup de main en commençant par faire sa toilette,
par exemple.
– La
pauvre femme ! s’apitoya aussitôt Yvette. Soixante-cinq ans, c’est encore
pas mal jeune pour partir ! Bien sûr que je vais y aller. Les filles, vous
continuez et vous vous débrouillez avec le souper si je suis pas revenue. Viens
en dedans, Thérèse, ça va être moins chaud, l’invita sa voisine. J’en ai pour
deux minutes pour me préparer et on va y aller.
– Ton
mari est pas là, j’espère ?
– Bien
non. Viens.
Au
moment où les deux femmes allaient pénétrer dans la maison, Yvette Veilleux
aperçut son fils Jérôme qui sortait de l’étable.
– Jérôme,
attelle le boghei et viens nous conduire chez les Fournier, madame Fournier
vient de
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