Les années folles
mourir.
L’adolescent
se dirigea sans rechigner vers l’écurie. Quelques instants plus tard, Yvette
Veilleux ordonna à son fils de s’arrêter un instant chez les Hamel qui exploitaient
la petite ferme située entre celle des Fournier et celle des Tremblay.
– On
va avertir Rita en passant, expliqua Yvette. Elle pourra peut-être pas venir à
cause de ses trois petits, mais au moins elle sera au courant et elle pourra
pas dire qu’on l’a oubliée.
Dès
que l’attelage s’arrêta près de la maison des Hamel, une jeune femme enceinte, âgée
de moins de trente ans, sortit sur le balcon en portant un jeune enfant dans
ses bras. Cette brunette au visage ouvert et sympathique reconnut immédiatement
ses deux voisines.
– Bonne
sainte Anne ! s’exclama-t-elle. Voulez-vous bien me dire où vous vous en
allez comme ça ?
– À côté, lui répondit Thérèse. Madame
Fournier est morte et sa Florence a pas trop l’air de savoir quoi faire.
– Aussitôt
que ma mère va revenir du village, elle va s’occuper des enfants et je vais
aller vous rejoindre, promit la jeune femme.
– Dans ton
état, tu pourrais bien laisser faire, lui dit Yvette.
– Inquiétez-vous
pas pour ça, répliqua Rita Hamel avec bonne humeur. J’ai juste six mois de
faits. Je risque pas d’accoucher de sitôt.
Quelques
instants plus tard, au moment où la voiture s’arrêtait dans la cour des
Fournier, on entendit sonner au loin le glas annonçant le décès d’un paroissien.
Florence Fournier vit arriver les deux femmes avec un réel soulagement.
– Vous
êtes bien fines de venir me dire ce qu’il faut faire, leur déclara-t-elle en
leur ouvrant la porte. Le docteur est pas encore passé.
– C’est pas
grave, la rassura Yvette Veilleux. Si tu veux, on va faire la toilette de ta
mère. Après que le docteur Courchesne l’aura vue, on aura juste à l’habiller
avec sa plus belle robe.
– C’est
vrai, sa toilette, répéta Florence, apparemment bouleversée à l’idée d’avoir à
faire la dernière toilette de sa mère.
Thérèse
Tremblay se rendit compte de son trouble et intervint rapidement.
– Yvette
et moi, on va s’occuper de ça. Fais-nous juste bouillir de l’eau et donne-nous
des serviettes propres et un peigne. Pendant qu’on la prépare, tu pourrais peut-être
installer le salon.
Le
docteur Courchesne arriva un peu avant seize heures et il ne resta que quelques
instants, le temps de signer le permis d’inhumer et d’offrir ses condoléances à
Florence. Un peu avant l’heure du souper, Germain Fournier rentra chez lui, précédant
de peu la voiture dans laquelle avaient pris place Conrad Desfossés et son fils
Normand, les entrepreneurs de pompes funèbres de Pieneville.
Les
deux hommes, affichant la mine lugubre indissociable de leur profession, descendirent
de leur voiture d’où ils tirèrent deux chevalets. Ils pénétrèrent dans la
maison en passant par la porte avant, celle qui ne s’ouvrait habituellement que
pour la visite annuelle du curé. Ils déposèrent les chevalets dans le salon et
sortirent pour revenir chargés d’un humble cercueil en pin.
Avant
d’entrer dans la chambre, ils attendirent que les trois femmes qui s’y
trouvaient en sortent et se réfugient dans la cuisine. Le jeune Desfossés
sortit de la pièce un instant pour aller chercher une trousse noire laissée dans la voiture. À son retour, il ferma doucement la porte
de la chambre. Son père et lui ne demeurèrent dans la pièce que quelques
minutes. Lorsqu’ils en sortirent, ils portaient le cercueil dans lequel avait
été déposée Fernande Fournier.
Les
Desfossés placèrent la bière sur les chevalets qu’ils avaient couverts au
préalable d’un tissu noir. Ils tendirent à Thérèse Tremblay un crêpe noir à
installer sur la porte d’entrée pour signaler aux passants le deuil qui
frappait la maison.
– Vous
pourrez pas la garder plus qu’une journée à cause de la chaleur, dit le fils
Desfossés d’un air désolé.
– On
va revenir demain après-midi, promit le père en remettant son chapeau noir qu’il
avait retiré en pénétrant dans la maison.
Après
le départ des Desfossés, Germain Fournier se contenta de dire, sans s’adresser
à l’une ou l’autre des trois femmes en particulier :
– Monsieur le
curé a dit la même chose qu’eux. Le service va être chanté après-demain matin. Bon,
je dois aller faire mon train. Je suis déjà en retard.
– T’es
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