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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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rien. Les gens n’envahirent vraiment la maison que lorsque les
maringouins devinrent trop insistants. Une collation fut servie.
    Un
peu avant vingt-deux heures, les visiteurs commencèrent à se retirer, laissant le
frère et la sœur seuls avec leur mère décédée.
    Ce soir-là, au
moment de se mettre au lit, Eugène ne put s’empêcher de faire remarquer à sa
femme :
    –  Je te dis que ce Germain-là, ça a pas grand
façon. Il faut presque lui arracher de force les mots de la bouche.
    – Il a de la peine, l’excusa Thérèse.
    –  Je veux ben le croire, mais c’est pas une excuse pour même
pas saluer le monde qui se dérange pour venir voir pauvre mère.
    – J’en
connais un autre qui fait ça avec un voisin quand il le rencontre, ne put s’empêcher
de dire Thérèse avec aigreur.
    – Mêle-toi
pas de ça.
    – C’est tout
un exemple pour tes enfants.
    Eugène
Tremblay garda le silence un long moment avant de reprendre :
    – Personne
pourra dire que les enfants se sont ruinés en payant un beau cercueil à leur
mère. Il me semblait que la fille avait marié un Juif riche… En tout cas, il
est proche de ses cennes, le Germain. Je suis sûr qu’il a acheté le plus cheap que Desfossés avait.
    – Il
fait ce qu’il peut, dit charitablement sa femme.
    – Ouais,
on dit ça.
    Le
lendemain avant-midi, le postier Philibert Dionne laissa descendre de sa
voiture un visiteur devant la maison des Fournier. Ce dernier, un petit homme
replet vêtu avec recherche d’un costume bleu marine, tira sa valise dessous le
siège avant du véhicule et paya le postier pour l’avoir transporté depuis la
gare de Pierreville. Florence sortit immédiatement à l’extérieur en apercevant
son mari qu’elle avait quitté près de deux semaines auparavant.
    Sam
Cohen sourit en la voyant debout sur la première marche de l’escalier. Il s’avança
et l’embrassa sur une joue avant de dire :
    – T’as
l’air pas mal fatiguée. T’es cernée jusqu’au milieu du visage.
    – C’est
pas grave, le rassura sa femme. Entre, je vais te préparer une bonne tasse de
thé. Mon frère est dans l’étable. Il y a une vache qui est malade.
    À
aucun moment, Sam Cohen ne demanda à sa femme de lui raconter les dernières
heures de sa mère. Cette dernière, comme son mari, lui avait toujours fait
sentir qu’elle ne l’aimait pas et l’homme d’affaires ne voyait pas pourquoi il
aurait feint d’être désolé de sa mort. Il n’était venu à Saint-Jacques-de-la-Rive
que pour apporter son soutien à sa Florence et pour la ramener avec lui après
les obsèques. Quand Germain Fournier revint à la maison à l’heure du dîner, les
deux hommes se saluèrent, sans plus.
    Durant l’après-midi,
peu après le passage de Desfossés venu vérifier le degré de conservation du
corps, quelques femmes de la paroisse se joignirent aux voisines pour prier
près de la dépouille de Fernande Fournier. En ce dernier jour d’exposition, il
y eut passablement plus de visiteurs que la veille, et le curé Lussier récita
le chapelet avec eux avant de quitter les lieux un peu après huit heures.
    Lorsque le dernier visiteur fut parti, Florence Fournier ne put s’empêcher
de dire à son frère, avant d’éteindre l’une des deux lampes à huile allumées
dans le salon :
    –  Pauvre m’man ! C’est la dernière nuit qu’elle passe
dans sa maison.
    Germain
ne dit rien. Il se contenta de fermer presque entièrement les fenêtres du salon,
malgré la chaleur qui régnait dans la pièce.
    – Tu
fermes ? lui demanda Florence.
    – Pas
au complet. Il a commencé à mouiller. La pluie va entrer en dedans si on ferme
pas un peu. Tu peux aller le coucher si tu veux. Je vais veiller au corps. Quand
j’en pourrai plus, j’irai te réveiller.
    – C’est
correct, accepta Florence. Je viendrai prendre ta place avec Sam.
    Il
faisait tellement chaud dans la maison que Germain Fournier décida de laisser
éteindre le poêle, préférant se passer d’une tasse de thé plutôt que d’endurer
la chaleur. Assis bien droit sur une chaise placée près du cercueil où sa mère
reposait, le jeune homme résista aussi longtemps qu’il put au sommeil. Jusqu’à
deux heures du matin, il somnola à certains moments. Chaque fois, il se
réveillait en sursaut, honteux d’avoir succombé. Il allait alors mouiller une
serviette avec laquelle il se frottait le visage pour chasser le sommeil. Finalement,
au milieu de la nuit,

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