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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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dans une antique lèchefrite. Durant l’après-midi, on n’aurait plus
qu’à découper la pâte avec un couteau bien tranchant avant qu’elle ne devienne
dure comme de la pierre. On aurait alors suffisamment de petits pains de savon
du pays pour suffire aux besoins de la famille jusqu’au printemps suivant.
    Après avoir remué
le mélange durant quelques minutes, la jeune fille s’éloigna du liquide
malodorant en songeant que ce serait tellement plus agréable d’utiliser du beau
« savon d’odeur » pour faire sa toilette quotidienne. D’accord, ce
savon ne valait rien pour laver les vêtements et les planchers, mais sur la
peau, il sentait tellement bon. Mais il n’y avait que sa mère qui en possédait
deux et elle les plaçait dans ses tiroirs de vêtements pour que ces derniers s’imprègnent
de leur odeur agréable.
    Soudain, un vol bruyant d’outardes traversa le ciel, le
premier de la saison. « C’est presque déjà le temps de s’enfermer pour six
mois », songea la jeune fille de vingt ans avec nostalgie.
    –  Céline, sors de la lune !
lui cria sa mère par la fenêtre de la cuisine d’été qu’elle venait d’entrouvrir.
La malle vient de passer. Entre-la quand t’auras fini de brasser le savon. Anne
est en train d’épousseter le salon.
    –  C’est
correct, m’man.
    Céline
Veilleux fit le tour de la maison et se rendit à la boîte aux lettres installée
sur le bord du chemin. Le drapeau rouge avait été relevé par Philibert Dionne. La
boîte contenait le catalogue de Simpsons-Sears. Enfin ! Elle l’attendait
depuis un mois. Elle s’empara de l’épais catalogue imprimé en noir et brun, et
elle le feuilleta rapidement tout en regagnant la maison. Elle le déposa sur la
table de la cuisine avant de retourner à l’extérieur.
    Ce soir-là, le
vent se mit à souffler et fit baisser sensiblement la température. Pour la
première fois depuis le début du mois, il ne fut pas question de laisser éteindre
le poêle à bois après le repas. Ernest Veilleux continua à l’alimenter durant
toute la soirée pendant que Céline et sa sœur Anne étaient assises à table et
feuilletaient lentement le catalogue à la lueur de la lampe à huile déposée au
centre de la table.
    – As-tu vu la
nouvelle mode ? fit remarquer Anne, excitée, à sa sœur. Je te dis que les
robes ont pas mal raccourci. Aie ! on rit pas.
    – Elles
s’arrêtent aux genoux ! De quoi vont avoir l’air les filles qui ont pas de
belles jambes ?
    Intriguée
par ce qu’elle venait d’entendre, Yvette Veilleux quitta sa chaise berçante
placée près du poêle et vint voir les illustrations que l’une de ses filles
venait de commenter.
    – Si ça a de
l’allure de se montrer tout écourtichée comme ça ! s’exclama la mère de
famille. Je comprends pourquoi les prêtres trouvent que celles qui portent des
robes aussi courtes commettent un péché. Comment voulez-vous qu’un homme
respecte une fille qui se promène à moitié habillée ? Une femme qui a des
principes cache ses jambes. De mon temps, c’était même mal vu de montrer ses
chevilles. Là, en s’arrêtant aux genoux, les robes cachent plus rien.
    – Pourtant, c’est
la mode, m’man, lui fit remarquer l’adolescente de dix-sept ans.
    – Toi, ma
fille, va pas t’imaginer que tu vas te promener un jour dans la paroisse
habillée comme ça pour nous faire honte, l’avertit sévèrement Yvette Veilleux
en haussant le ton.
    – Bien non, m’man.
Vous voyez bien qu’elle dit ça juste pour vous faire parler, intervint Céline
en donnant un léger coup de pied sous la table à sa sœur, à titre de mise en
garde.
    Ernest
Veilleux, qui sommeillait dans sa chaise berçante, ouvrit les yeux pour jeter
un coup d’œil à l’horloge. L’heure de se mettre au lit approchait.
    – Le monde de
la campagne est peut-être trop vieux jeu pour s’habiller comme ça, s’entêta
Anne, mais on pourrait au moins se coiffer à la mode. Regardez les mannequins, m’man,
invita l’adolescente en tendant vers sa mère le catalogue ouvert. Ils disent qu’elles
sont coiffées « à la garçonne ».
    – Bof !
    – C’est vrai
que les cheveux courts comme ça, ça doit être pas mal plus facile d’entretien, intervint
Céline en se penchant à son tour au-dessus du catalogue. Le toupet est coupé
carré et les cheveux descendent juste au-dessous des oreilles. Fini le brossage
de cheveux à en plus finir chaque matin.
    – Et

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