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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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les cours des hommes en nombre suffisant pour la défense du Château.
    — Mais, objecta le Roi, je n’ai pas vu beaucoup de monde au Carrousel.
    — Sire, il en arrive des faubourgs une quantité immense, et la plus grande partie de la garde nationale est passée à l’insurrection. »
    Un des administrateurs du Département, un patriote quoique attaché aux personnes du Roi et de la Reine, à laquelle il vendait des dentelles, appuya cet avis. « Taisez-vous, Monsieur Gerdret, lui dit Marie-Antoinette. Quand on a fait le mal, on n’a pas le droit de parler. » Et, s’adressant au procureur-général-syndic : « Monsieur, nous avons des forces.
    — Madame, tout Paris marche. Sire, le temps presse. Ce n’est plus une prière que nous venons vous faire, ce n’est plus un conseil que nous venons vous donner ; nous vous demandons la permission de vous entraîner. »
    Le Roi regarda fixement ce visage inquiet dont la fatigue creusait les traits et pinçait le nez en bec de corbeau. Une figure honnête. Louis se tourna vers sa femme. « Marchons », fit-il en se levant. « Monsieur Rœderer, vous répondez de la vie du Roi ? » dit Madame Élisabeth par-dessus l’épaule de son frère. « Oui, madame, sur la mienne. Sire, je demande à Votre Majesté de n’emmener personne de la Cour. Le Département entourera la famille royale, des gardes nationaux l’accompagneront en haie jusqu’au Manège.
    — Oui, acquiesça le Roi. Il n’y a qu’à le dire.
    — Et les ministres ? » s’écria l’un d’eux. Rœderer lui répondit qu’ils pouvaient venir, ils avaient leur place à l’Assemblée.
    « Et M me  de Lamballe, M me  de Tourzel, la gouvernante de mon fils ? monsieur Rœderer, demanda Marie-Antoinette.
    — Oui, madame. »
    Il sortit, réclamant La Chesnaye. « Le Roi et sa famille vont à l’Assemblée, lui dit-il. Il faut faire avancer des hommes, ils iront sur deux files avec la famille royale. Le Roi le veut ainsi.
    — Cela va être exécuté. »
    Pendant que l’on attendait cette escorte, Louis XVI et les siens passèrent de la chambre dans le Grand Cabinet où se trouvaient une cinquantaine de courtisans avec quelques dames. Le monarque, de son regard myope, parcourut le cercle et annonça flegmatiquement : « Je vais à l’Assemblée nationale. » Rœderer avait averti que nul ne pouvait suivre les souverains. La Reine, ravalant son chagrin et la honte d’abandonner ces fidèles, consternés, leur assurait : « Nous reviendrons, nous reviendrons bientôt. » Un jeune homme, le vicomte d’Auti-champ, fut à peu près seul à répondre. « Votre Majesté veut-Elle croire que nous en sommes tous assurés », dit-il en s’inclinant très bas. Il avait vingt-deux ans. Frère d’un chanoine de Notre-Dame qui s’était fait une popularité, deux ans plus tôt, en composant des couplets pour la fête de la première Fédération, il appartenait à la garde constitutionnelle licenciée. Près de lui, son ami Segret, un blondin du même âge, orphelin et marquis, regardait avec désespoir la princesse de Lamballe. Elle lui fit un triste sourire. Depuis qu’elle était accourue du château de son beau-père pour s’enfermer avec la Reine dans les tristes Tuileries, Pierre Delorme de Segret ne vivait plus que pour la voir. Elle ne prenait pas au sérieux cette juvénile passion, – il y avait entre eux vingt et un ans de distance –, mais elle l’accueillait avec sa douceur, son indulgence qui rendaient plus chère encore à Segret sa beauté. Dans des sentiments qu’elle ne voulait pas laisser aller au-delà d’une amitié amoureuse, elle trouvait en ces temps amers quelque réconfort. À plusieurs reprises pendant la nuit, le jeune marquis l’avait assurée que ni elle ni la famille royale ne risquaient rien. Jamais la populace n’arriverait jusqu’ici, jamais des bandes d’ivrognes braillards ne vaincraient deux mille hommes d’épée résolus. Elle avait paru le croire, la Reine aussi. Et maintenant, elles partaient. L’adorable Louise allait avec les souverains se mettre aux mains de leurs ennemis. Il aurait voulu lui crier : « C’est une folie ! Ne partez pas, je vous en conjure ! » Il ne put que la regarder, avec, lui aussi, un sourire navré, et lui baiser la main. Les gardes arrivaient, comme à la manœuvre. Avec un mécanisme tout militaire, le détachement opéra un demi-tour, se divisa en s’alignant sur deux rangs. Le petit

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